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CONTES DROLATIQUES.

des enterremens, pour ce que il alloyt partout où il y avoyt apertement ou occultement ioye et festins. Il guardoyt religieusement les statuts et ordonnances de son mestier, à sçavoir : ne rien faire, veu que, s’il avoyt pu laborer le plus legierement que ce feust, aulcun ne luy auroyt plus rien baillé. Après s’estre repeu, ce saige homme s’estendoyt le long des fossez ou contre ung pilier d’ecclise en resvant aux affaires publicques ; finablement il philosophoyt, comme ses gentils maistres les merles, geays, passerons, et songioyt moult en gueuzant ; car, pour ce que son vestement estoyt paouvre, estoyt-ce raison que son entendement ne feust riche ? Sa philosophie divertissoyt moult ses praticques, auxquelles il alloyt disant, en forme de merciement, les plus beaulx aphorismes de sa science. A l’ouyr, les pantophles produisoyent la goutte aux riches : il se iactoyt d’avoir les pieds allaigres, pour ce que son cordouannier luy bailloyt des soliers venus dans les aulnayes. Il y avoyt des maulx de teste soubz les diadesmes, qui ne l’atteingnoyent point, pour ce que sa teste estoyt serrée ne par soulcys, ne par aulcun chappelet. Puis encores les bagues à pierreries gehennoyent le mouvement du sang. Encores que il s’enchargiast de playes suyvant les lois de la gueuzerie, cuydez que il estoyt plus sain qu’ung enfant qui arrivoyt au baptistère. Le bon homme se rigolloyt avecques les aultres gueux, en iouant avecques ses trois dez, que il conservoyt pour se soubvenir de despendre ses deniers, à ceste fin d’estre tousiours paouvre. Néantmoins son vœu, il estoyt, comme les Ordres Mendians, si bien renté, qu’ung iour de Pasques, ung aultre gueux voulant luy affermer son gaing du dict iour, le Vieulx-par-chemins en reffusa dix escuz. De faict, à la vesprée, il despendit quatorze escuz en ioye pour fester les aumosniers, veu que il estoyt dict ez statuts de gueuserie de se monstrer recognoissant envers les donataires. Quoique il se deschargiast avecques soing de tout ce qui faisoyt les soulcys des aultres, qui, trop chargiez de bien, quèrent le mal, il feut plus heureux n’ayant rien au monde que lorsque il avoyt les escuz de son père. Et pour ce qui est des conditions de noblesse, il estoyt tousiours en bon poinct d’estre anobly, pour ce que il ne faisoyt rien qu’à sa phantaisie, et vivoyt noblement sans aulcun labeur. Trente escuz ne l’auroyent faict lever quand il estoyt couchié. Il arriva tousiours à lendemain comme les aultres, en menant ceste belle vie, laquelle, au dire de messire Plato, duquel ià l’authorité feut invocquée en ces escripts, aulcuns antic-