— Vous estes ung noble chevalier, feit le Roy en relevant le sire de Montsoreau, ains vous ne sçavez point combien le Venitien vous estoyt contraire.
Pezare feut trez delicatement estranglé entre la teste et les espaules, veu que la Royne demonstra ses trahisons au Roy en luy faisant vérifier par les déclarations d’ung Lombard de la ville l’énormité des sommes que Pezare avoyt en la bancque de Gesnes, et qui feurent abandonnées à Montsoreau.
Ceste belle et noble Royne mourut en la manière escripte en l’histoire de Sicile, à sçavoir, des suytes d’une couche laborieuse où elle donna le iour à ung fils qui feut aussy grant homme que malheureux en ses emprinses. Le Roy cuyda, sur l’adveu du myre, que les meschiefs causez par le sang en ceste couche provenoyent de la trop chaste vie de la Royne, et, s’imputant à crime la mort de ceste vertueuse Royne, en feit pénitence et fonda l’ecclise à la Madone, qui est une des plus belles de la ville de Palerme. Le sire de Montsoreau, tesmoing de la douleur du Roy, luy dit que alors qu’ung roy faisoyt venir sa royne d’Hespaigne, il debvoyt sçavoir que ceste Royne vouloyt estre mieulx servie que toute aultre, pour ce que les Hespaignoles estoyent si vifves, que elles comptoyent pour dix femmes, et que, s’il vouloyt une femme pour la monstre seulement, il debvoyt la tirer du nord d’Allemaigne, où les femmes sont fresches. Le bon chevalier revint en Touraine encombré de biens, et y vesquit de longs iours, se taisant sur son heur de Sicile. Il y retourna pour ayder le fils du Roy en sa principale emprinse sur Naples, et laissa l’Italie, quand ce ioli prince feut navré, comme il est dit en la Chronicque.
Oultre les haultes moralitez contenues en la rubricque de cettuy Conte, où il est dict que la fortune, estant femelle, se renge tousiours du costé des dames, et que les hommes ont bien raison de les bien servir, il nous démonstre que le silence entre pour les neuf dixiesmes dans la saigesse. Neantmoins le Moyne autheur de ce récit inclineroyt à en tirer cet aultre enseignement non moins docte, que l’interest, qui faict tant d’amitiez, les deffaict aussy. Ains vous eslirez entre ces trois versions celle qui concorde à vostre entendement et besoing du moment.