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LA BELLE IMPÉRIA.

ceste saincte et amoureuse ville de Constance !… Ah ! ah ! viens, mon gentil cavalier, mon fils chéry, mon bedon, mon paradiz de délectation ! Ie veulx boire tes yeulx, te mangier, te tuer d’amour ! Oh ! mon florissant, mon verdoyant et simpiternel dieu !… Va, de petit religieux, ie veulx te faire Roy, Empereur, Pape, et plus heureux qu’eulx tous !… Da ! tu peux tout mettre léans à feu et à sang ! Ie suis tienne ! et le monstreray bien, car tu seras tost cardinal, quand pour rougir ta barette ie debvroys verser tout le sang de mon cueur !

Et, de ses mains tremblottantes, toute heureuse, elle emplit de vin grec ung hanap d’or apporté par le gros évesque de Coire et le présenta à son amy, qu’elle voulut servir à genoilz, elle dont les princes treuvoyent la pantophle de plus hault goust que celle du Pape.

Mais luy la resguardoyt en silence d’un œil si goulu d’amour, qu’elle luy dit, tressaillant d’aise : — Allons ! tais-toy, petit !… Soupons.