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CONTES DRÔLATIQUES.

— Biau cousin, luy dit-elle, quittez la salle et allez en vostre hostel, ie m’efforceray de vous donner ceste ioye. Mais ayez cure de ne vous point monstrer à elle, ni à ce babouin greffé par erreur de nature sur une tige chrestienne, et auquel appartient ceste phée de beaulté.

Le beau cousin mussé, vint la dame frotter son traistre muzeau à l’encontre de Berthe, et l’appela mon amye, mon threzor, estoile de beaultez, se benda de mille fassons à luy agréer pour mieulx acertener sa vengeance sur cette paouvrette, qui, sans en rien sçavoir, luy avoyt rendu son amant infidelle de cueur, ce qui, pour les femmes ambitieuses en amour, est la pire des infidélitez. Après aulcuns devis, la dicte dame feslonne soupçonna que la paouvre Berthe estoyt pucelle d’amour, en luy voyant ez yeulx abundance d’eaue limpide, nul ply ez tempes, nul petit poinct noir sur le gentil cap de son nez blanc comme neige, où d’ordinaire se signent les tresmoussements du déduict, nulle ride en son front, brief, nulle accoustumance de ioie apparente en son visaige, net comme visaige de pucelle ignarde. Puis, ceste traistresse luy feit aulcunes interroguations de femme et receut la parfaicte asseurance par les réponses de Berthe que, si elle avoyt eu le prouffict des mères, le plaisir des amours luy avoyt bien réallement failly. De ce feut moult contente pour son cousin, la bonne femme que elle estoyt. Lors elle luy dit que en la ville de Losches demouroyt une ieune damoiselle noble de la famille de Rohan, à laquelle besoing estoyt de l’assistance d’une femme de bien, pour estre receue à mercy de messire Loys de Rohan ; que si elle avoyt autant de bontez que Dieu luy avoyt departy de beaultez, elle debvoyt la retirer en son chastel, vérifier la saincteté de sa vie et faire cet accord avecques le sire de Rohan, qui refrongnoyt à la prendre en son manoir. A quoy consentit Berthe sans aulcune hezitation, veu que les infortunes de ceste fille estoyent cogneues d’elle, mais non la paouvre damoiselle, qui avoyt nom Sylvie et que elle cuydoyt estre en pays estrangier. Cy besoing est de déclairer pourquoy le seigneur roy avoyt faict ceste feste au dict sire de Bastarnay. Le sire soupçonnoyt la prime fuite du Daulphin ez Estats de Bourgongne, et luy vouloyt tollir ung si bon conseiller que estoyt ledict Bastarnay. Ains le vieillard, fidelle à monseigneur Loys, avoyt, ià, sans mot dire accordé ses