Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/491

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
463
D’UNG IUSTICIARD.

connestable, ung chamberlan vous vault, et ie vais vous faire quinauld. Mon chier Petit, ie vous baille licence de fouiller à vostre aise pendant la nuict et le iour tous les coins et recoins de mon hostel. Mais, entrez seul icy, questez par ma chambre, remuez le lict, faictes-y à vos soubhaicts. Seulement, laissez-moy couvrir d’ung drapeau ou d’ung mouschenez ceste belle dame qui est vestue en archange, à ceste fin que vous ne saichiez point à quel espoux elle appartient.

— Voulentiers, feit le prevost. Ains ie suis ung vieulx regnard, auquel point ne faut soublever la queue, et veulx estre seur que ce est réallement une dame de la Court, et non ung Angloys, attendu que ces dicts Angloys ont le cuir blanc et lisse comme est celluy des femelles, et bien le sçays-ie pour en avoir moult branchié.

— Hé bien, feit le seigneur, attendu le forfaict dont ie suis meschantement soupçonné, et dont ie doibs me laver, ie vais supplier ma dame et amye de consentir à se passer pour ung moment de sa pudeur ; elle me porte trop grant amour pour se reffuser à me saulver de tout reprouche. Doncques, ie la requerray de soy retourner et vous montrer une physionomie qui ne la compromettra nullement et vous suffira pour recognoistre une femme noble, encores que elle sera sens dessus dessoubz.

— Bien, feit le prevost.

La dame, ayant entendu de ses trois aureilles, avoyt ployé et mis soubz l’aureiller ses hardes, s’estoyt despouillée de sa chemise de laquelle son mary pouvoyt taster le grain, s’estoyt entortillé la teste en ung linge, et avoyt mis à l’aër ses charnosités bombées que séparoyt la iolie raie de son eschine rose.

— Entrez, mon bon amy, feit le seigneur.

Le iusticiard resguarda par la cheminée, ouvrit l’armoire, le bahut, fouilla le dessoubz du lict, les toiles, tout. Puis se mit à estudier le dessus.

— Monseigneur, feit-il en guignant ses légitimes appartenances, i’ay veu de ieunes gars angloys ainsy rablez, et pardonnez-moy de faire ma charge, besoing est que ie voye aultrement.

— Qu’appelez-vous aultrement ? feit le seigneur.

- Hé bien, l’aultre physionomie, ou, si vous voulez, la physionomie de l’aultre.

— Alors, treuvez bon que Madame se couvre et s’affuste pour ne vous monstrer que le moins de ce qui est nostre heur, dit le