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CONTES DRÔLATIQUES.

— Et que advint-il du muzaraigne ? dit le Roy quittant sa mine songeuse.

— Ha ! sire, respondit Rabelais, vécy en quoy fut iniuste la gent gargantuesque. Il feut mis à mort, mais en sa qualité de gentilhomme, il eut la teste trenchée. Ce estoyt mal, veu que il avoyt esté truphé.

— Tu vas bien loing, bonhomme, feit le Roy.

— Non, sire, respartit Rabelais, mais bien hault. N’avez-vous pas bouté la chaire au-dessus de la couronne ? Vous m’avez requis de faire ung prosne. Si l’ai-ie fait évangelicquement.

— Beau curé de Court, lui dit madame Diane en l’aureille, hein, si i’estoys meschante ?

— Madame, feit Rabelais, n’est-il doncques pas besoing de prémunir le Roy, vostre maistre, contre les Italians de la Royne, qui abundent icy comme hannetons ?

— Paouvre prescheur, luy dit le cardinal Odet en l’aureille, gaignez le pays estrangier.

— Ha ! monseigneur, respondit le bonhomme, devant peu ie seray en ung bien estrange pays.

— Vertu-Dieu ! monsieur l’escripturier, dit le connestable, duquel le fils, comme ung chascun sçayt, avoyt traistreusement laissé mademoiselle de Piennes, à laquelle il estoyt fiancé, pour espouser Diane de France, fille d’une dame en deçà des monts et du Roy, qui te ha faict si hardy de te prendre à si haultes personnes ? Ha ! mauvais poëte, tu aymes à t’élever ! Ores bien, ie te baille ma parole de te bouter en hault lieu.

— Nous y viendrons tous, monsieur le connestable, respondit le bonhomme. Mais, si vous estes amy de l’Estat et du Roy, vous me mercierez de l’avoir adverty des menées des Lorrains, lesquels sont rats à tout ruyner.