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CONTES DRÔLATIQUES.

gnie de la mère de sa gentille femme. Ores, en l’esperit de ce cocquebin estoyt poulsé comme champignon ung expédient, à sçavoir : d’interroguer ceste bonne dame qu’il tenoyt pour preude. Doncques, se ramentevant les religieux préceptes de son abbé, lequel lui disoyt de s’enquérir en toute chouse ez vieils gens experts de la vie, il cuyda confier son cas à ma dicte dame d’Amboise. Mais, en l’abord, feit, tout pantois et bien coy, aulcunes allées et venues, ne treuvant nul terme pour desgluber son cas, et se taisoyt aussi trez-bien la dame, veu que elle estoyt outrageusement férue de la cécité, surdité, paralysie voulontaire du sieur de Braguelongne. Et disoyt, à part elle, cheminant aux costés de ce friand à croquer cocquebin, auquel point ne pensoyt, n’imaginant point que ce chat, si bien pourveu de ieune lard, songiast au vieulx :

- Ce Hon ! Hon ! Hon ! … à barbe en pieds de mousche ; barbe molle, vieille, grise, ruynée, ahannée ; barbe sans compréhension, sans vergongne, sans nul respect féminin ; barbe qui feint de ne point sentir, ni veoir, ni entendre ; barbe esbarbée, abattue, desbiffée ; barbe esreinée. Que le mal italien me délivre de ce meschant braguard à nez flatry, nez embrené, nez gelé, nez sans religion, nez sec comme table de luth, nez pasle, nez sans ame, nez qui ne ha plus que de l’umbre, nez qui n’y veoit goutte, nez gresillé comme feuilles de vigne, nez que ie hais ! nez vieulx ! nez farcy de vent… nez mort ! Où ay-ie eu la veue de m’attacher à ce nez en truffle, à ce vieil verrouil qui ne cognoist plus sa voye ! Ie donne ma part au diable de ce vieulx nez sans honneur, de ceste vieille barbe sans suc, de ceste vieille teste grise, de ce visaige de marmouzet,