Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.
4
PROLOGUE.

gneus : desquels nous trions le sieur Descartes, pour ce que ce feut un génie mélancholicque, et qui ha plus célébré les songeries creuses que le vin et la friandise, homme duquel tous les pastissiers et rostisseurs de Tours ont une saige horreur, le mescognoissent, n’en veulent point entendre parler, et disent : « Où demeure-t-il ? » si on le leur nomme. Doncques, ceste œuvre est le produict des heures rieuses de bons vieulx moynes, et dont estoyent maints vestiges espars en nostre pays ; comme à la Grenadière-lez-Sainct-Cyr, au bourg de Sacché-lez-Azay-le-Ridel, à Marmoustiers, Veretz, la Roche-Corbon, et dans aulcuns typothecques de bons récits, qui sont chanoines anticques et preudes femmes ayant cogneu le bon temps où l’on iocquetoyt encores sans resguarder s’il vous sortoyt ung cheval ou de ioyeux poulains des costes à chaque risée, comme font auiourd’huy les ieunes femmes qui vouldroyent soy esbattre gravement : chouse qui sied à nostre gaye France comme une huillière sur la teste d’une royne. Aussy, comme le rire est ung privilége octroyé seulement à l’homme, et qu’il y ha cause suffisante de larmes avecques les libertez publicques, sans en adiouxter par les livres, ai-ie cru chouse patrioticque en diable de publier un drachme de ioyeulsetez, par ce temps où l’ennuy tombe comme une pluie fine qui mouille, nous perce à la longue, et va dissolvant nos anciennes coustumes qui faisoyent de la raye publique ung amusement pour le plus grant nombre. Ains, de ces vieulx pantagruelistes qui laissoyent faire à Dieu et au Roy leur mestier, sans mestre la main à la paste plus que ne debvoyent, se contentant de rire, il y en ha peu, il en chet tous les iours, en sorte que i’ay grant paour de veoir ces notables fragmens d’anciens breviaires conspuez, conchiez, gallefretez, honnis, blasmez, ce dont ie ne me mocqueroys point,