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LES BONS PROUPOS.

Ie ne les quitteray point sans raconter une adventure qui eut lieu dans leur maison, quand la réforme y passa l’esponge et les feit toutes sainctes, comme ha esté dessus dict. En cettuy temps, doncques, il y avoyt au siège de Paris ung véritable sainct qui ne sonnoyt point ses œuvres avecques des crecelles, et n’avoyt de soulcy que des paouvres et souffreteux, lesquels il logioyt dans son cueur de bon vieulx évesque, se mettoyt en oubly pour les gens endoloris, estoyt en queste de toutes les misères affin de les panser en paroles, en secours, en soings, en argent, selon l’occurrence, advenant en la male heure des riches comme en celle des paouvres, raccoustrant leurs ames, leur ramentevant Dieu, s’employant des quatre fers à veigler sur son troupeau, le chier bergier ! Doncques ce bon homme alloyt nonchalant de ses soutanes, manteaulx, braguettes, pourveu que les membres nuds de son Ecclise feussent couverts. Et il estoyt charitable à se boutter en gaige pour saulver mesmes ung mescréant de la poine. Ses serviteurs estoyent contraincts de songier à luy. Souvent il les rabbrouoyt quand iceulx luy changeoyent, sans en estre requis, ses vestemens rongez pour des neufs, et il souloyt les faire rapetasser iusques in extremis. Ores, ce bon vieulx archevesque sceut que le feu sieur de Poissy laissoyt une fille sans sou ne maille, après en avoir mangié et aussy beu, voir ioué la légitime. Laquelle damoiselle demeuroyt en ung bouge, sans feu en hyver, sans cerizes au printemps, laborant à menus ouvraiges, ne voulant point se mésallier ni vendre sa vertu. En attendant qu’il rencontrast ung ieune espoux dont il la pust fournir, le prélat conceut de luy en envoyer le moule dans la personne de ses vieilles braguettes à raccommoder, ouvraige que la paouvre damoiselle feut moult heureuse d’avoir dans son desnuement de tout. Doncques, ung iour que l’archevesque déliberoyt à part luy se rendre au couvent de Poissy, pour veigler auxdictes filles réformées, il bailloyt à ung sien serviteur le plus vieulx de ses hault-de-chausses, qui imploroyt ung racoustraige. « Portez cecy, Saintot, aux demoiselles de Poissy… », dit-il. Nottez que il cuidoyt dire à mademoiselle de Poissy. Et, comme il songioyt aux affaires du cloistre, il n’enseigna point à son varlet le logis de ladicte damoiselle, dont il avoit discrettement celé la situation désespérée.

Saintot prind le hault-de-chausses à braguette et s’achemine vers Poissy, gay comme ung hoche-queue, s’arrestant avecques