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CONTES DROLATIQUES.

d’offrir à Dieu toutes nos peines et de nous soubmettre à ses voulentez, veu que rien n’arrivoyt sans son exprès commandement. Cette doctrine, saige en apparence, ha donné matière à grosses controverses et a esté finablement condamnée sur l’advis du cardinal de Chastillon, lequel ha prétendu qu’alors il n’y auroyt plus de péchez, ce qui pourroyt amoindrir les revenus de l’Ecclise. Mais sœur Petronille vivoyt imbue de ceste sentence sans en cognoistre le dangier. Après le quaresme et les ieusnes du grant iubilé, pour la première foys depuis huict mois, elle eust besoing d’aller en la chambre dorée, et, de faict, y alla. Puis là, relevant honnestement ses cottes, elle se mit en debvoir et posture de faire ce que nous paouvres pécheresses faisons ung peu plus souvent. Ainsi la sœur Petronille n’eut d’aultre valiscence que d’expectorer un commencement de la chouse, qui la tint en haleine, sans que le reste voulust yssir du réservoir. Encores qu’elle tortillast son bagonisier, jouast des sourcils et pressast tous les ressorts de la machine, son hoste preferoyt demourer dans ce benoist corps, mettant seulement la teste hors la fenestre naturelle, comme grenouille prenant l’aër, et ne se sentoyt nulle vocation de tomber en la vallée de misère, parmy les aultres, alléguant qu’il n’y seroyt point en odeur de saincteté. Et il avoyt du sens pour ung simple crottin qu’il estoyt. La bonne saincte, ayant usé de toutes les voyes coërcitives iusqu’à enfler oultre mesure ses muscles buccinateurs et bender les nerfs de sa face maigre de manière à les faire saillir, recogneut que nulle souffrance au monde n’estoyt si griefve, et sa douleur atteignant l’apogée des affres sphinctérielles : « O mon Dieu ! dit-elle en poulsant de rechief, ie vous l’offre ! » Sur ceste oraison, la matière pierreuse se cassa net au razibus de l’orifice et choppa comme ung caillou contre les murs du privé, faisant croc, croc, croooc, paf ! Vous comprenez, mes sœurs, qu’elle n’eut aulcun besoing de mouschecul, et remit le reste à l’octave.

— Adoncques elle voyoyt les anges ? dit une sœur.

— Ont-ils ung derrière ? demanda une aultre.

— Mais non, feit Ursule. Ne sçavez-vous point que en ung iour d’assemblée, Dieu leur ayant ordonné de se seoir, ils luy respondirent qu’ils n’avoyent point de quoy.

Là-dessus, elles allèrent se couchier, les unes seules, les aultres presque seules. C’estoyent de bonnes filles qui ne faisoyent de tort qu’à elles.