Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
249
LES BONS PROUPOS.

Apercevez-vous vestiges de puces ? Sentez-vous odeur de puces ? Y ha-t-il aulcune apparence de puces en ma cellule ? Cherchez.

— Ie n’en treuve point, dit la petite novice, qui estoyt madamoiselle de Fiennes, et ne sens aultre odeur que la nostre !

— Faictes ce que ie vais vous dire, et ne serez plus mordue. Si tost que vous serez picquée, ma fille, besoing est de vous despouiller, de lever vostre chemise et ne point pécher en resguardant vostre corps partout. Vous ne debvez vous occuper que de la mauldicte puce en la cherchant avecques bonne foy, sans faire aulcune attention aux aultres chouses, ne pensant qu’à la puce et à la prendre, ce qui est desià une œuvre difficile, veu que vous pouvez vous tromper à de petites taches noires naturelles, venues en vostre peau par héritaige. En avez-vous, ma mignonne ?

— Oui, feit-elle. I’ai deux lentilles violettes, une à l’espaule et l’aultre dans le dos, ung peu bas ; mais elle est cachée dans la raye…

— Comment l’avez-vous veue ? demanda la sœur Perpétue.

— Ie n’en sçavoys rien : c’est monsieur de Montrezor qui l’ha descouverte.

— Ha ! ha ! dirent les sœurs, et n’ha-t-il veu que cela ?

— Il ha veu tout, feit-elle. I’estoys bien petite. Luy avoyt quelque chouse de plus que neuf ans, et nous nous amusions à iouer…

Lors, les religieuses cuydant s’estre trop pressées de rire, la sœur Ovide reprint : — La dessus dicte puce ha doncques beau saulter de vos iambes à vos yeulx, vouloir se musser dans les creux, dans les forests, dans les fossez, aller à val, à mont, s’entester à vous eschapper, la règle de la maison ordonne de la poursuivre couraigieusement en disant des ave. D’ordinaire, au troisiesme ave, la beste est prinse…

— La puce ? demanda la novice.

— Tousiours la puce ! respartit sœur Ovide ; mais, pour éviter les dangiers de ceste chasse, besoing est, en quelque lieu que vous mettiez le doigt sur la beste, de ne prendre qu’elle… Alors, sans avoir aulcun esguard à ses cris, à ses plainctes, à ses gémissemens, à ses efforts, à ses tortillemens, si, par adventure, elle se révolte, ce qui est ung cas assez fréquent, vous la pressez soubz vostre poulce, ou tout aultre doigt de la main occupée