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LE IEUSNE DE FRANÇOYS PREMIER.

haulte paillardise du Roy, feurent d’advis, après meure délibération, de luy députer la royne Margueritte, de laquelle il recevroyt seurement allégeance en ses soulcys, la bonne dame estant bien aymée de luy, ioyeulse et docte en toute sapience. Mais, elle, alléguant qu’il s’en alloyt de son ame, pour ce qu’elle ne sçauroyt sans grant dangier estre seule avecques le Roy en sa geole, il feut despesché devers la Court de Rome ung secrétaire habile, le sieur de Fizes, avecques mandat d’impétrer du Pontife ung brief d’espéciales indulgences, contenant valables absolutions des légiers péchez que, veu la consanguinité, pourroyt faire ladicte Royne en veue de guarrir la mélancholie du Roy.

En ce temps, le Batave Hadrien VII chaussoyt encores la tiare, lequel, bon compagnon au demourant, ne mit point en oubly, maulgré les liens scholasticques qui l’unissoyent à l’Empereur, que il s’agissoyt du fils aisné de l’Ecclise catholicque, et eut la guallantise d’envoyer en Hespaigne ung exprès légat muny de pleins pouvoirs à ceste fin d’adviser à saulver, sans trop nuyre à Dieu, l’ame de la Royne et le corps du Roy. Ceste affaire de griefve urgence mit martel en teste aux seigneurs de la Court et desmangeaison entre les pieds des dames, lesquelles, par grant dévouement envers la couronne, se feussent presque toutes offertes d’aller à Madrid, n’estoyt la noire deffiance de Charles-Quint, qui ne laissoyt point au Roy licence de veoir aulcuns de ses subiects ni mesmes les gens de sa famille. Aussy feut-il besoing de négocier le départ de la Royne de Navarre. Doncques, il n’estoyt bruit que de ce ieusne desplourable et du deffault d’exercice amoureux si contraire à ung prince qui en estoyt si grant coustumier. Brief, de plaincte en querimonie, les femmes finèrent par plus penser à la braguette du Roy qu’à luy-mesme. La Royne feut première à dire que elle soubhaitoyt avoir des aësles. A ce respondit monseigneur Odet de Chastillon que elle n’avoyt point besoing de ce pour estre ung ange. Une, ce feut madame l’Amirale, s’en prenoyt à Dieu de ne pouvoir envoyer en courrier ce qui deffailloyt tant au paouvre sire, veu que chascune d’elles le presteroyt à son tour.

— Dieu ha bien faict de les clouer, s’escria gentement la Daulphine, car nos marys nous lairroyent, en leurs absences, bien traistreusement despourveues.

Tant feut dict, tant feut pensé, que la Royne des Marguerites feut, à sa departie, enchargiée par ces bonnes chrestiennes de