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LES TROIS CLERCS.

« La mesnaigiere descouvre vitement l’assiette et respond :

« — Mon amy, en voilà !

« Ce que voyant, le sergent demoura quinauld, pensant que le diable estoyt passé du costé de sa femme. Là-dessus il feut griefvement reprouché par les parens, qui luy donnèrent tort, luy chantèrent mille pouilles, et luy dirent plus de gogues en une aulne de temps qu’ung greffier ne faict d’escriptures en son mois. Depuis ce iour, le sergent vesquit trez bien en paix avecques sa femme, laquelle, à la moindre équivocque fronsseure de sourcils, luy disoyt :

« — Veux-tu du bran ? … »


— Qui ha faict le pire ? s’escria l’Angevin en frappant ung petit coup de bourreau sur l’espaule de l’hoste.

— C’est luy ! c’est luy ! dirent les deux aultres. Et lors commencèrent à disputer comme de beaulx Pères en ung concile, cherchèrent à s’entrebattre, à se gecter les pots à la teste, se lever, et, par ung hazard de bataille, courir et gaigner les champs.

— Ie vais vous accorder ! s’escria l’hoste, voyant que là où il avoyt eu trois débiteurs de bonne voulenté, maintenant aulcun ne pensoyt au vray compte.

Ils s’arrestèrent espouvantez.

— Ie vais vous en faire ung meilleur ; par ainsy, vous me donnerez dix sols par chaque panse.

— Escoutons l’hoste ! feit l’Angevin.

« Il y avoyt dans nostre faulxbourg de Nostre-Dame-la-Riche,