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LE CURÉ D’AZAY.

bien docile, aussy doulce d’ame que de peau, vrai biiou. Aussy feut-il bien contrit d’avoir si fort abrégié la leçon en la donnant si près d’Azay, veu qu’il seroyt bien peu aisé de la recommencer comme font tous les docteurs, qui disent souvent la mesme chouse à leurs élèves.

— Ah ! mignonne, s’escria le bonhomme, pourquoy doncques as-tu tant fretinfretaillé, que nous nous soyons accordez seulement iouxte Azay ?

— Ah ! feit-elle, ie suis de Ballan.

Pour le faire de brief, ie vous diray que, lorsque ce bonhomme mourut en sa cure, il y eut ung grant numbre de gens, enfans et aultres, qui vindrent désolez, affligez, plourant, chagrins, et tous dirent : « Ah ! nous avons perdu nostre père. » Et les garses, les veufves, les mariées, les garsettes s’entre-resguardoyent, en le regrettant mieulx qu’ung amy, et toutes disoyent : — Ce estoyt bien plus qu’ung prebstre, c’estoyt ung homme ! De ces curés, la grayne en est au vent, et ne se produira plus, maulgré les séminaires.

Voire mesmes les paouvres, à qui son espargne feut laissée, treuvèrent qu’ils y perdoient encores. Et ung vieulx estropié dont il avoyt soing beugloyt dans la court, criant : « Ie ne mourray point, moy ! » cuydant dire : « Pourquoy la mort ne m’ha-t-elle pas prins à sa place ? » Ce qui faisoyt rire aulcuns ; ce dont l’umbre du bon curé ne deut point estre faschée.