Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
153
LA CONNESTABLE.

comme ung mulet, et veult yssir de l’hostel. Mais, au porche, elle treuve ung homme d’armes, lequel feit la sourde aureille à toutes les controverses de la buandière. Alors elle se résolut, par ung espécial dévouement, de prendre le souldard par son endroict foible, et l’esmoustilla par tant de mignardises, qu’il ioua trez bien avecques elle, quoiqu’il feust houzé comme pour aller en guerre ; mais, après le ieu, point ne voulut la laisser aller en la rue, et encores qu’elle essayast de se faire sceller ung passe-port par quelques-ungs des plus beaulx, les croyant plus guallans, nul des archers, gens d’armes et aultres, n’osa luy ouvrir ung seul des pertuys les plus estroicts du logiz. — Vous estes des meschants et des ingrats, leur dict-elle, de ne pas me rendre la pareille !

Heureusement, à ce mestier, elle s’enquit de tout, et revint en grant haste près de sa maistresse, à qui elle raconta les estranges machinations du comte.

Les deux femmes recommencèrent à tenir conseil, et n’eurent pas tant seulement devisé le temps de chanter deux alleluia sur cet appareil de guerre, de guettes, deffenses, ordres et dispositions équivocques, sourdes, spécieuses et diabolicques, que elles recogneurent, par le sixiesme sens dont toute femelle est guarnie, l’espécial dangier qui menassoyt le paouvre amant.

Madame, ayant bientost sceu qu’elle seule avoyt licence de sortir du logiz, se hazarda vitement à proufficter de son droict ; mais elle n’alla pas si loing que le gect d’un crannequin, veu que le connestable avoyt commandé à quatre de ses paiges d’estre tousiours en debvoir d’accompaigner la comtesse, et à deux enseignes de sa compaignie de ne la point quitter.

Lors la paouvre connestable revint à sa chambre, en plourant autant que plourent ensemble toutes les Magdeleines qu’on veoit ez tableaux d’ecclise.

— Las ! disoyt-elle, mon amant va doncques estre desconfict, et plus ne le verray ! … luy qui estoyt si doulx de paroles, si gracieux au déduict ! Ceste belle teste qui ha si souventes foys reposé sur mes genoilz sera doncques meurdrie ! … Comment ! ie ne sçauroys gecter à mon mary une teste vuyde et de nul prix en place de ceste teste pleine de charmes et de valeur ! … une teste orde pour une teste perfumée ! une teste haïe pour une teste d’amour.

— Ha ! madame, s’escria la lavandière, si nous faisions pouiller