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LES IOYEULSETEZ DU ROY.

qu’il n’eust la passe du Roy, veu que souvent Loys unze envoyoyt quérir des garses pour ses amys ou des gens pour soy divertir, par des subtilitez deues à Nicole ou aux convives. Ceulx de Tours estoyent là pour les menus plaisirs du Roy, qui leur recommandoyt légierement le silence ; aussi ne ha-t-on sceu ses passetemps que luy mort. La farce de Baise mon cul feut, dit-on, inventée par ledict sire. Ie la rapporte, bien que ce ne soit le suiet de ce Conte, pour ce que elle faict voir le naturel comicque et facétieux du bon homme Roy. Il y avoyt à Tours trois gens avaricieux notez. Le premier estoyt maistre Cornelius, qui est suffisamment cogneu. Le second s’appeloyt Peccard, et vendoyt des doreloteries, dominoteries et ioyaulx d’ecclise. Le troisiesme avoyt nom Marchandeau, et estoyt ung vigneron trez riche. Ces deux Tourangeaulx ont faict souche d’honnestes gens, nonobstant leurs ladreries. Ung soir que le Roy se treuvoyt chez la Beaupertuys, en belle humeur, ayant beu du meilleur, dict des drosleries et faict avant les vespres sa prière à l’oratoire de Madame, il dit à Le Daim, son compère, au cardinal La Balue et au vieulx Dunois qui roussinoyt encores : — Faut rire, mes amys ! … Et ie crois que ce seroyt bonne comédie à veoir que avare devant sac d’or sans pouvoir y touchier… Holà !

Oyant ce, un sien varlet comparut. — Allez, dit-il, quérir mon threzorier, et qu’il apporte céans six mille escuz d’or, et tost. Puis vous irez apprehender au corps, d’abord mon compère Cornelius, le dorelotier de la rue du Cygne, puis le vieux Marchandeau, en les amenant icy, de par le Roy.

Puis se remirent à boire et à iudicieusement grabeler de ce que valoyt mieulx d’une femme faisandée ou d’une qui se savonne glorieusement ; d’une qui est maigre ou d’une qui est en bon point ; et, comme ce estoyt la fleur des sçavans, ils dirent que la meilleure estoyt celle qu’on avoyt à soy, comme ung plat de moules toutes chauldes, au moment précis où Dieu envoyoit une bonne pensée à ycelle communiquer. Le cardinal demanda qui estoyt le plus prétieux pour une dame : ou le premier ou le darrenier baiser. A quoy la Beaupertuys respondit que c’estoyt le darrenier, veu que elle sçavoyt ce qu’elle perdoyt, et, au premier, ne sçavoyt iamais ce qu’elle gagnoyt. Sur ces dires et d’aultres