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LA MYE DU ROY.

l’Hirundelle. Il y patienta ung bon transon de temps. Mais, au moment où il cuydoyt avoir esté prins pour un sot, lors que nuict feut, la chamberière vint luy ouvrir l’huys, et le bon mary se coula tout heureux dedans l’hostel du Roy. Ceste meschine le serra précieusement dans ung reduict qui se trouvoyt près du lict où se couchoyt sa dicte femme, et, par les fentes, il la veit dans toute sa beaulté, veu qu'elle se despouilloyt de ses atours et chaussoyt, au foyer, ung habit de combat à travers duquel on apercevoyt tout. Ores, cuydant estre seule avecques sa meschine, elle disoyt les follies que disent les femmes en soy vestant. — Ne vaulx-je pas bien vingt mille escuz ce soir ? Et cecy, ne sera-ce pas bien payé par ung chasteau de Brie ?

En disant cela, elle relevoyt légièrement deux avant-postes, durs comme bastions, lesquels pouvoyent soutenir bien des assaults, veu qu’ils avoyent esté furieusement attaquez sans mollir.

— Mes espaules seules valent ung royaulme ! dit-elle. Ie défie bien le Roy de les refaire. Mais, vray Dieu, ie commence à m’ennuyer de ce mestier. A tousiours besongner, il n’y ha point de plaisir. La meschinette soubrioyt, et la belle fille luy dit : — Ie voudroys bien te veoir en ma place…

Et la chamberière se mit à rire plus fort, en luy respondant :

— Taisez-vous, mademoiselle. Il est là.

— Qui ?

— Vostre mary.

— Lequel ?

— Le vray.

— Chut ! reprit la belle fille.

Et sa chamberière luy conta l'adventure, voulant conserver la faveur de sa maistresse et aussy les douze mille escuz.

— Oh bien ! il en aura pour son argent, dit l’advocate. Ie vais le laisser se morfondre trez bien. S’il taste de moy, ie veulx perdre mon lustre et devenir aussy layde que le marmouzet d’ung cistre. Tu te bouteras au lict en ma place, et tu verras à gaigner