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LES CÉLIBATAIRES : PIERRETTE.

n’y a pas moyen de tenir à cinq de ces gravures noires contre lesquelles le Ministère de l’Intérieur devrait présenter une loi, et qui représentent Poniatowski sautant dans l’Elster, la Défense de la barrière de Clichy, Napoléon pointant lui-même un canon, et les deux Mazeppa, toutes encadrées dans des cadres dorés dont le vulgaire modèle convient à ces gravures, capables de faire prendre les succès en haine ! Oh ! combien j’aime mieux les pastels de madame Julliard, qui représentent des fruits, ces excellents pastels faits sous Louis XV, et qui sont en harmonie avec cette bonne vieille salle à manger, à boiseries grises et un peu vermoulues, mais qui certes ont le caractère de la province, et vont avec la grosse argenterie de famille, avec la porcelaine antique et nos habitudes. La province est la province : elle est ridicule quand elle veut singer Paris. Vous me direz peut-être : Vous êtes orfèvre, monsieur Josse ; mais je préfère le vieux salon que voici, de monsieur Tiphaine le père, avec ses gros rideaux de lampasse vert et blanc, avec sa cheminée Louis XV, ses trumeaux contournés, ses vieilles glaces à perles et ses vénérables tables à jouer ; mes vases de vieux Sèvres, en vieux bleu, montés en vieux cuivre ; ma pendule à fleurs impossibles, mon lustre rococo, et mon meuble en tapisserie, à toutes les splendeurs de leur salon.

— Comment est-il ? dit monsieur Martener, très-heureux de l’éloge que la belle Parisienne venait de faire si adroitement de la province.

— Quant au salon, il est d’un beau rouge, le rouge de mademoiselle Sylvie quand elle se fâche de perdre une Misère !

— Le rouge-Sylvie, dit le Président, dont le mot resta dans le vocabulaire de Provins.

— Les rideaux des fenêtres ?… rouges ! les meubles ?… rouges ! la cheminée ?… marbre rouge portor ! les candélabres et la pendule ?… marbre rouge portor, montés en bronze d’un dessin commun, lourd ; des culs-de-lampe romains soutenus par des branches à feuillages grecs. Du haut de la pendule, vous êtes regardés à la manière des Rogron, d’un air niais, par ce gros lion bon enfant, appelé lion d’ornement, et qui nuira pendant longtemps aux vrais lions. Ce lion roule sous une de ses pattes une grosse boule, un détail des mœurs du lion d’ornement ; il passe sa vie à tenir une grosse boule noire, absolument comme un Député de la Gauche. Peut-être est-ce un mythe constitutionnel. Le cadran de cette pendule est bizarrement