Page:Balzac - Œuvres complètes Tome 5 (1855).djvu/146

Cette page a été validée par deux contributeurs.
143
URSULE MIROUET.

consulte se trouvait avoir raison : il allait voir Ursule sans fortune et aux prises avec les héritiers.

Le lendemain soir, toute la ville était aux obsèques du docteur Minoret. Quand on y apprit la conduite des héritiers envers sa fille d’adoption, l’immense majorité la trouva naturelle et nécessaire : il s’agissait d’une succession, le bonhomme était cachotier, Ursule pouvait se croire des droits, les héritiers défendaient leur bien, et d’ailleurs elle les avait assez humiliés pendant la vie de leur oncle qui les recevait comme des chiens dans un jeu de quilles. Désiré Minoret, qui ne faisait pas merveille dans sa place, disaient les envieux du maître de poste, arriva pour le service. Hors d’état d’assister au convoi, Ursule était au lit en proie à une fièvre nerveuse autant causée par l’insulte que les héritiers lui avaient faite que par sa profonde affliction.

— Voyez donc cet hypocrite qui pleure ! disaient quelques-uns des héritiers en se montrant Savinien vivement affligé de la mort du docteur.

— La question est de savoir s’il a raison de pleurer, répondit Goupil. Ne vous pressez pas de rire, les scellés ne sont pas levés.

— Bah ! dit Minoret qui savait à quoi s’en tenir, vous nous avez toujours effrayés pour rien.

Au moment où le convoi partit de l’église pour se rendre au cimetière, Goupil eut un amer déboire : il voulut prendre le bras de Désiré ; mais en le lui refusant, le substitut renia son camarade en présence de tout Nemours.

— Ne nous fâchons point, je ne pourrais plus me venger, pensa le maître-clerc dont le cœur sec se gonfla comme une éponge dans sa poitrine.

Avant de lever les scellés et de procéder à l’inventaire, il fallut le temps au procureur du roi, tuteur légal des orphelins, de commettre Bongrand pour le représenter. La succession Minoret, de laquelle on parla pendant dix jours, s’ouvrit alors, et fut constatée avec la rigueur des formalités judiciaires. Dionis y trouvait son compte, Goupil aimait assez à faire le mal ; et comme l’affaire était bonne, les vacations se multiplièrent. On déjeunait presque toujours après la première vacation. Notaire, clerc, héritiers et témoins buvaient les vins les plus précieux de la cave.

En province, et surtout dans les petites villes, où chacun possède sa maison, il est assez difficile de se loger. Aussi, quand on y achète