Page:Balzac - Œuvres complètes Tome 5 (1855).djvu/143

Cette page a été validée par deux contributeurs.
140
II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

— Je voudrais qu’ils fussent déjà posés, et nous pourrions tous revenir chacun chez nous, répondit Minoret.

— Ma foi, nous mettrons un gardien des scellés, répondit le greffier. La Bougival est capable de tout dans l’intérêt de la mijaurée. Nous y placerons Goupil.

— Lui ! dit le maître de poste, il prendrait la grenouille et nous n’y verrions que du feu.

— Voyons, reprit Massin. Ce soir on veillera le mort, et nous aurons fini d’apposer les scellés dans une heure ; ainsi nos femmes les garderont elles-mêmes. Nous aurons demain, à midi, l’enterrement. On ne peut procéder à l’inventaire que dans huit jours.

— Mais, dit le colosse en souriant, faisons déguerpir cette mijaurée, et nous commettrons le tambour de la mairie à la garde des scellés et de la maison.

— Bien ! s’écria le greffier. Chargez-vous de cette expédition, vous êtes le chef des Minoret.

— Mesdames, mesdames, dit Minoret, veuillez rester toutes au salon ; il ne s’agit pas d’aller dîner, mais de procéder à l’apposition des scellés pour la conservation de tous les intérêts.

Puis il prit sa femme à part pour lui communiquer les idées de Massin relativement à Ursule. Aussitôt les femmes, dont le cœur était rempli de vengeance et qui souhaitaient prendre une revanche sur la mijaurée, accueillirent avec enthousiasme le projet de la chasser. Bongrand parut et fut indigné de la proposition que Zélie et madame Massin lui firent, en qualité d’ami du défunt, de prier Ursule de quitter la maison.

— Allez vous-mêmes la chasser de chez son père, de chez son parrain, de chez son oncle, de chez son bienfaiteur, de chez son tuteur ! Allez-y, vous qui ne devez cette succession qu’à la noblesse de son âme, prenez-la par les épaules et jetez-la dans la rue, à la face de toute la ville ! Vous la croyez capable de vous voler ? Eh ! bien, constituez un gardien des scellés, vous serez dans votre droit. Sachez d’abord que je n’apposerai pas les scellés sur sa chambre ; elle y est chez elle, tout ce qui s’y trouve est sa propriété ; je vais l’instruire de ses droits, et lui dire d’y rassembler tout ce qui lui appartient… Oh ! en votre présence, ajouta-t-il en entendant un grognement d’héritiers.

— Hein ? dit le percepteur au maître de poste et aux femmes stupéfaites de la colérique allocution de Bongrand.