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mais il allait néanmoins de groupe en groupe pour y recueillir des éloges ; puis, quand tout était dit, il revenait à la musique en entamant une discussion à propos des difficultés de son air ou en vantant le compositeur.

Monsieur Alexandre de Brebian, le héros de la sépia, le dessinateur qui infestait les chambres de ses amis par des productions saugrenues et gâtait tous les albums du Département, accompagnait monsieur de Bartas. Chacun d’eux donnait le bras à la femme de l’autre. Au dire de la chronique scandaleuse, cette transposition était complète. Les deux femmes, Lolotte (madame Charlotte de Brebian) et Fifine (madame Joséphine de Bartas), également préoccupées d’un fichu, d’une garniture, de l’assortiment de quelques couleurs hétérogènes, étaient dévorées du désir de paraître Parisiennes, et négligeaient leur maison où tout allait à mal. Si les deux femmes, serrées comme des poupées dans des robes économiquement établies, offraient sur elles une exposition de couleurs outrageusement bizarres, les maris se permettaient, en leur qualité d’artistes, un laissez-aller de province qui les rendait curieux à voir. Leurs habits fripés leur donnaient l’air des comparses qui dans les petits théâtres figurent la haute société invitée aux noces.

Parmi les figures qui débarquèrent dans le salon, l’une des plus originales fut celle de monsieur le comte de Sénonches, aristocratiquement nommé Jacques, grand chasseur, hautain, sec, à figure hâlée, aimable comme un sanglier, défiant comme un Vénitien, jaloux comme un More, et vivant en très-bonne intelligence avec monsieur du Hautoy, autrement dit Francis, l’ami de la maison.

Madame de Sénonches (Zéphirine) était grande et belle, mais couperosée déjà par une certaine ardeur de foie qui la faisait passer pour une femme exigeante. Sa taille fine, ses délicates proportions lui permettaient d’avoir des manières langoureuses qui sentaient l’affectation, mais qui peignaient la passion et les caprices toujours satisfaits d’une personne aimée.

Francis était un homme assez distingué, qui avait quitté le consulat de Valence et ses espérances dans la diplomatie, pour venir vivre à Angoulême auprès de Zéphirine, dite aussi Zizine. L’ancien consul prenait soin du ménage, faisait l’éducation des enfants, leur apprenait les langues étrangères, et dirigeait la fortune de monsieur et de madame de Sénonches avec un entier dévouement. L’Angoulême noble, l’Angoulême administratif, l’Angoulême bourgeois