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Ce fut au milieu du trouble où elle se trouvait que, sur les sept heures du matin, Petit-Claud se présenta pour lui parler d’affaires. Dans ces moments-là, l’on écoute tout le monde.

— Madame, dit l’avoué, notre pauvre cher David est en prison, et il arrive à la situation que j’ai prévue au début de cette affaire. Je lui conseillais alors de s’associer pour l’exploitation de sa découverte avec ses concurrents, les Cointet, qui tiennent entre leurs mains les moyens d’exécuter ce qui, chez votre mari, n’est qu’à l’état de conception. Aussi, dans la soirée d’hier, aussitôt que la nouvelle de son arrestation m’est parvenue, qu’ai-je fait ? je suis allé trouver messieurs Cointet avec l’intention de tirer d’eux des concessions qui pussent vous satisfaire. En voulant défendre cette découverte votre vie va continuer d’être ce qu’elle est : une vie de chicanes où vous succomberez, où vous finirez, épuisés et mourants, par faire, à votre détriment peut-être, avec un homme d’argent, ce que je veux vous voir faire, à votre avantage, dès aujourd’hui, avec messieurs Cointet frères. Vous économiserez ainsi les privations, les angoisses du combat de l’inventeur contre l’avidité du capitaliste et l’indifférence de la société. Voyons ! si messieurs Cointet payent vos dettes… si, vos dettes payées, ils vous donnent encore une somme qui vous soit acquise, quel que soit le mérite, l’avenir ou la possibilité de la découverte, en vous accordant, bien entendu toujours, une certaine part dans les bénéfices de l’exploitation, ne serez-vous pas heureux ?… Vous devenez, vous, madame, propriétaire du matériel de l’imprimerie, et vous la vendrez sans doute, cela vaudra bien vingt mille francs, je vous garantis un acquéreur à ce prix. Si vous réalisez quinze mille francs, par un acte de société avec messieurs Cointet, vous auriez une fortune de trente-cinq mille francs, et au taux actuel des rentes, vous vous feriez deux mille francs de rente… On vit avec deux mille francs de rente en province. Et, remarquez bien que, madame, vous auriez encore les éventualités de votre association avec messieurs Cointet. Je dis éventualités, car il faut supposer l’insuccès. Eh ! bien, voici ce que je suis en mesure de pouvoir obtenir : d’abord, libération complète de David, puis quinze mille francs remis à titre d’indemnité de ses recherches, acquis sans que messieurs Cointet puissent en faire l’objet d’une revendication à quelque titre que ce soit, quand même la découverte serait improductive ; enfin une société formée entre David et messieurs Cointet pour l’exploitation d’un