plus faciles et plus courtoises. Les Espagnols ont beaucoup vécu sur la réputation des Maures.
Lorsque l’Espagnol remonta dans la calèche, il dit au postillon ces paroles à l’oreille : — Le train de la malle, il y a trois francs de guides.
Lucien hésitait à monter, le prêtre lui dit : — Allons donc, et Lucien monta sous prétexte de lui décocher un argument ad hominem.
— Mon père, lui dit-il, un homme qui vient de dérouler du plus beau sang-froid du monde les maximes que beaucoup de bourgeois taxeront de profondément immorales…
— Et qui le sont, dit le prêtre, voilà pourquoi Jésus-Christ voulait que le scandale eût lieu, mon fils. Et voilà pourquoi le monde manifeste une si grande horreur du scandale.
— Un homme de votre trempe ne s’étonnera pas de la question que je vais lui faire !
— Allez, mon fils !… dit Carlos Herrera, vous ne me connaissez pas. Croyez-vous que je prendrais un secrétaire avant de savoir s’il a des principes assez sûrs pour ne me rien prendre ? Je suis content de vous. Vous avez encore toutes les innocences de l’homme qui se tue à vingt ans. Votre question ?…
— Pourquoi vous intéressez-vous à moi ? quel prix voulez-vous de mon obéissance ?… Pourquoi me donnez-vous tout ? quelle est votre part ?
L’Espagnol regarda Lucien et se mit à sourire.
— Attendons une côte, nous la monterons à pied, et nous parlerons en plein vent. Le vent est discret.
Le silence régna pendant quelque temps entre les deux compagnons, et la rapidité de la course aida, pour ainsi dire, à la griserie morale de Lucien.
— Mon père, voici la côte, dit Lucien en se réveillant comme d’un rêve.
— Eh ! bien, marchons, dit le prêtre en criant d’une voix forte au postillon d’arrêter.
Et tous deux ils s’élancèrent sur la route.
— Enfant, dit l’Espagnol en prenant Lucien par le bras, as-tu médité la Venise sauvée d’Otway ? As-tu compris cette amitié profonde, d’homme à homme, qui lie Pierre à Jaffier, qui fait