quatre lignes écrites par Lucien, et les remplaça par celles-ci, en imitant l’écriture avec une perfection désolante pour l’avenir social du prote.
« Mon cher David, tu peux venir sans crainte chez le Préfet, ton affaire est faite ; et d’ailleurs, à cette heure-ci, tu peux sortir, je viens au-devant de toi, pour t’expliquer comment tu dois te conduire avec le Préfet.
À midi, Lucien écrivit une lettre à David où il lui apprenait le succès de la soirée, il lui donnait l’assurance de la protection du préfet qui, dit-il, faisait aujourd’hui même un rapport au ministre sur la découverte dont il était enthousiaste.
Au moment où Marion apporta cette lettre à mademoiselle Basine, sous prétexte de lui donner à blanchir les chemises de Lucien, Cérizet, instruit par Petit-Claud de la probabilité de cette lettre, emmena mademoiselle Mignon et alla se promener avec elle sur le bord de la Charente. Il y eut sans doute un combat où l’honnêteté d’Henriette se défendit pendant long-temps, car la promenade dura deux heures. Non-seulement l’intérêt d’un enfant était en jeu, mais encore tout un avenir de bonheur, une fortune ; et ce que demandait Cérizet était une bagatelle, il se garda bien d’ailleurs d’en dire les conséquences. Seulement le prix exorbitant de ces bagatelles effrayait Henriette. Néanmoins, Cérizet finit par obtenir de sa maîtresse de se prêter à son stratagème. À cinq heures, Henriette dut sortir et rentrer en disant à mademoiselle Clerget que madame Séchard la demandait sur-le-champ. Puis, un quart d’heure après la sortie de Basine, elle monterait, cognerait au cabinet et remettrait à David la fausse lettre de Lucien. Après, Cérizet attendait tout du hasard.
Pour la première fois depuis plus d’un an, Ève sentit se desserrer l’étreinte de fer par laquelle la Nécessité la tenait. Elle eut de l’espoir enfin. Elle aussi ! elle voulut jouir de son frère, se montrer au bras de l’homme fêté dans sa patrie, adoré des femmes, aimé de la fière comtesse du Châtelet. Elle se fit belle et se proposa de se promener à Beaulieu, après le dîner, au bras de son frère. À cette heure, tout Angoulême, au mois de septembre, se trouve à prendre le frais.