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de folie qui travaille une fille quand, pour cacher son déshonneur, elle doit épouser son séducteur. Pendant la matinée du jour où Lucien devait reconquérir sa Louise, Cérizet apprit à Henriette le secret de Basine, et lui dit que leur fortune et leur mariage dépendaient de la découverte de l’endroit où se cachait David. Une fois instruite, Henriette n’eut pas de peine à reconnaître que l’imprimeur ne pouvait être que dans le cabinet de toilette de mademoiselle Clerget, elle ne crut pas avoir fait le moindre mal en se livrant à cet espionnage ; mais Cérizet l’avait engagée déjà dans sa trahison par ce commencement de participation.

Lucien dormait encore lorsque Cérizet, qui vint savoir le résultat de la soirée, écoutait dans le cabinet de Petit-Claud le récit des grands petits événements qui devaient soulever Angoulême.

— Lucien vous a bien écrit un petit mot depuis son retour ? demanda le Parisien après avoir hoché la tête en signe de satisfaction quand Petit-Claud eut fini.

— Voilà le seul que j’aie, dit l’avoué, qui tendit une lettre où Lucien avait écrit quelques lignes sur le papier à lettre dont se servait sa sœur.

— Eh ! bien, dit Cérizet, dix minutes avant le coucher du soleil, que Doublon s’embusque à la Porte-Palet, qu’il cache ses gendarmes et dispose son monde, vous aurez notre homme.

— Es-tu sûr de ton affaire ? dit Petit-Claud en examinant Cérizet.

— Je m’adresse au hasard, dit l’ex-gamin de Paris, mais c’est un fier drôle, il n’aime pas les honnêtes gens.

— Il faut réussir, dit l’avoué d’un ton sec.

— Je réussirai, dit Cérizet. C’est vous qui m’avez poussé dans ce tas de boue, vous pouvez bien me donner quelques billets de banque pour m’essuyer… Mais, monsieur, dit le Parisien en surprenant une expression qui lui déplut sur la figure de l’avoué, si vous m’aviez trompé, si vous ne m’achetez pas l’imprimerie sous huit jours… Eh ! bien, vous laisserez une jeune veuve, dit tout bas le gamin de Paris en lançant la mort dans son regard.

— Si nous écrouons David à six heures, sois à neuf heures chez monsieur Gannerac, et nous y ferons ton affaire, répondit péremptoirement l’avoué.

— C’est entendu : vous serez servi, bourgeois ! dit Cérizet.

Cérizet connaissait déjà l’industrie qui consiste à laver le papier et qui met aujourd’hui les intérêts du fisc en péril. Il lava les