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place. Lucien et David descendirent, Kolb les précéda de cent pas en avant et Marion les suivit de cent pas en arrière. Quand les deux frères passèrent le long des planches, Lucien parlait avec chaleur à David.

— Mon ami, lui dit-il, mon plan est d’une excessive simplicité ; mais comment en parler devant Ève, qui n’en comprendrait jamais les moyens ? Je suis sûr que Louise a dans le fond du cœur un désir que je saurai réveiller, je la veux uniquement pour me venger de cet imbécile de préfet. Si nous nous aimons, ne fût-ce qu’une semaine, je lui ferai demander au ministère un encouragement de vingt mille francs pour toi. Demain je reverrai cette créature dans ce petit boudoir où nos amours ont commencé, et où, selon Petit-Claud, il n’y a rien de changé : j’y jouerai la comédie. Aussi, après demain matin, te ferai-je remettre par Basine un petit mot pour te dire si j’ai été sifflé… Qui sait, peut-être seras-tu libre… Comprends-tu maintenant pourquoi j’ai voulu des habits de Paris ? Ce n’est pas en haillons qu’on peut jouer l’amour.

À six heures du matin, Cérizet vint voir Petit-Claud.

— Demain, à midi, Doublon peut préparer son coup ; il prendra notre homme, j’en réponds, lui dit le Parisien : je dispose de l’une des ouvrières de mademoiselle Clerget, comprenez-vous ?…

Après avoir écouté le plan de Cérizet, Petit-Claud courut chez Cointet.

— Faites en sorte que ce soir monsieur du Hautoy se soit décidé à donner à Françoise la nue propriété de ses biens, vous signerez dans deux jours un acte de Société avec Séchard. Je ne me marierai que huit jours après le contrat ; ainsi nous serons bien dans les termes de nos petites conventions : donnant donnant. Mais épions bien ce soir ce qui se passera chez madame de Sénonches entre Lucien et madame la comtesse du Châtelet, car tout est là… Si Lucien espère réussir par la préfète, je tiens David.

— Vous serez, je crois, garde des sceaux, dit Cointet.

— Et pourquoi pas ? monsieur de Peyronnet l’est bien ! dit Petit-Claud qui n’avait pas encore tout à fait dépouillé la peau du libéral.

L’état douteux de mademoiselle de La Haye lui valut la présence de la plupart des nobles d’Angoulême à la signature de son contrat. La pauvreté de ce futur ménage marié sans corbeille avivait l’intérêt que le monde aime à témoigner ; car il en est de la bienfai-