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mourant, était le signal d’un changement de conduite dans l’Opposition, qui, depuis la mort de Napoléon, renonçait au moyen dangereux des conspirations. Le parti libéral organisait au fond des provinces son système de résistance légale : il tendit à se rendre maître de la matière électorale, afin d’arriver à son but par la conviction des masses. Enragé libéral et fils de l’Houmeau, Petit-Claud fut le promoteur, l’âme et le conseil secret de l’Opposition de la basse-ville, opprimée par l’aristocratie de la ville haute. Le premier il fit apercevoir le danger de laisser les Cointet disposer à eux seuls de la presse dans le département de la Charente, où l’Opposition devait avoir un organe, afin de ne pas rester en arrière des autres villes.

— Que chacun de nous donne un billet de cinq cents francs à Gannerac, il aura vingt et quelques mille francs pour acheter l’imprimerie Séchard, dont nous serons alors les maîtres en en tenant le propriétaire par un prêt, dit Petit-Claud.

L’avoué fit adopter cette idée, en vue de corroborer ainsi sa double position vis-à-vis de Cointet et de Séchard, et il jeta naturellement les yeux sur un drôle de l’encolure de Cérizet pour en faire l’homme dévoué du parti.

— Si tu peux découvrir ton ancien bourgeois et le mettre entre mes mains, dit-il à l’ancien prote de Séchard, on te prêtera vingt mille francs pour acheter son imprimerie, et probablement tu seras à la tête d’un journal. Ainsi, marche.

Plus sûr de l’activité d’un homme comme Cérizet que de celle de tous les Doublon du monde, Petit-Claud avait alors promis au grand Cointet l’arrestation de Séchard. Mais depuis que Petit-Claud caressait l’espérance d’entrer dans la magistrature, il prévoyait la nécessité de tourner le dos aux libéraux, et il avait si bien monté les esprits à l’Houmeau que les fonds nécessaires à l’acquisition de l’imprimerie étaient réalisés. Petit-Claud résolut de laisser aller les choses à leur cours naturel.

— Bah ! se dit-il, Cérizet commettra quelque délit de presse, et j’en profiterai pour montrer mes talents…

Il alla vers la porte de l’imprimerie et dit à Kolb qui faisait sentinelle : — Monte avertir David de profiter de l’heure pour s’en aller, et prenez bien vos précautions ; je m’en vais, il est une heure…

Lorsque Kolb quitta le pas de la porte, Marion vint prendre sa