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tête de diamant. Ses cheveux à l’anglaise lui accompagnaient bien la figure et la rajeunissaient en en cachant les contours. Elle avait une robe en foulard, à corsage en pointe, délicieusement frangée et dont la façon due à la célèbre Victorine faisait bien valoir sa taille. Ses épaules, couvertes d’un fichu de blonde, étaient à peine visibles sous une écharpe de gaze adroitement mise autour de son cou trop long. Enfin elle jouait avec ces jolies bagatelles dont le maniement est l’écueil des femmes de province : une jolie cassolette pendait à son bracelet par une chaîne ; elle tenait dans une main son éventail et son mouchoir roulé sans en être embarrassée. Le goût exquis des moindres détails, la pose et les manières copiées de madame d’Espard révélaient en Louise une savante étude du faubourg Saint-Germain. Quant au vieux Beau de l’Empire, le mariage l’avait avancé comme ces melons qui, de verts encore la veille, deviennent jaunes dans une seule nuit. En retrouvant sur le visage épanoui de sa femme la verdeur que Sixte avait perdue, on se fit, d’oreille à oreille, des plaisanteries de province, et d’autant plus volontiers que toutes les femmes enrageaient de la nouvelle supériorité de l’ancienne reine d’Angoulême ; et le tenace intrus dut payer pour sa femme. Excepté monsieur de Chandour et sa femme, feu Bargeton, monsieur de Pimentel et les Rastignac, le salon se trouvait à peu près aussi nombreux que le jour où Lucien y fit sa lecture, car monseigneur l’évêque arriva suivi de ses grands-vicaires. Petit-Claud, saisi par le spectacle de l’aristocratie angoumoisine, au cœur de laquelle il désespérait de se voir jamais quatre mois auparavant, sentit sa haine contre les classes supérieures se calmer. Il trouva la comtesse Châtelet ravissante en se disant : — Voilà pourtant la femme qui peut me faire nommer substitut ! Vers le milieu de la soirée, après avoir causé pendant le même temps avec chacune des femmes en variant le ton de son entretien selon l’importance de la personne et la conduite qu’elle avait tenue à propos de sa fuite avec Lucien, Louise se retira dans le boudoir avec monseigneur. Zéphirine prit alors le bras de Petit-Claud, à qui le cœur battit, et l’amena vers ce boudoir où les malheurs de Lucien avaient commencé, et où ils allaient se consommer.

— Voici monsieur Petit-Claud, ma chère, je te le recommande d’autant plus vivement que tout ce que tu feras pour lui profitera sans doute à ma pupille.