Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 8.djvu/491

Cette page a été validée par deux contributeurs.

des vengeances. Il est encore d’autres difficultés non moins graves et qui tendent à modifier la cruauté tout à fait inutile de la loi sur la contrainte par corps, par l’action des mœurs qui change souvent les lois au point de les annuler. Dans les grandes villes, il existe assez de misérables, de gens dépravés, sans foi ni loi, pour servir d’espions ; mais dans les petites villes chacun se connaît trop pour pouvoir se mettre aux gages d’un huissier. Quiconque, dans la classe infime, se prêterait à ce genre de dégradation, serait obligé de quitter la ville. Ainsi, l’arrestation d’un débiteur n’étant pas, comme à Paris ou comme dans les grands centres de population, l’objet de l’industrie privilégiée des Gardes du Commerce, devient une œuvre de procédure excessivement difficile, un combat de ruse entre le débiteur et l’huissier dont les inventions ont quelquefois fourni de très-agréables récits aux Faits-Paris des journaux.

Cointet l’aîné n’avait pas voulu se montrer ; mais le gros Cointet, qui se disait chargé de cette affaire par Métivier, était venu chez Doublon avec Cérizet, devenu son prote, et dont la coopération avait été acquise par la promesse d’un billet de mille francs. Doublon devait compter sur deux de ses praticiens. Ainsi, les Cointet avaient déjà trois limiers pour surveiller leur proie. Au moment de l’arrestation, Doublon pouvait d’ailleurs employer la gendarmerie, qui, aux termes des jugements, doit son concours à l’huissier qui le requiert. Ces cinq personnes étaient donc en ce moment même réunies dans le cabinet de maître Doublon, situé au rez-de-chaussée de la maison, en suite de l’Étude.

On entrait à l’Étude par un assez large corridor dallé, qui formait comme une allée. La maison avait une simple porte bâtarde, de chaque côté de laquelle se voyaient les panonceaux ministériels dorés, au centre desquels on lit en lettres noires : huissier. Les deux fenêtres de l’Étude donnant sur la rue étaient défendues par de forts barreaux de fer. Le cabinet avait vue sur un jardin, où l’huissier, amant de Pomone, cultivait lui-même avec un grand succès les espaliers. La cuisine faisait face à l’Étude, et derrière la cuisine se développait l’escalier par lequel on montait à l’étage supérieur. Cette maison se trouvait dans une petite rue, derrière le nouveau Palais de Justice, alors en construction, et qui ne fut fini qu’après 1830. Ces détails ne sont pas inutiles à l’intelligence de ce qui advint à Kolb. L’Alsacien avait inventé de se présenter à l’huissier sous prétexte de lui vendre son maître, afin d’apprendre ainsi