sous prétexte de savoir à quoi leur dévouement pouvait être utile. Ils arrivèrent au moment où ces trois êtres, pour qui la vie avait été jusqu’alors si simple, pleuraient en apercevant la nécessité de cacher David. Mais comment échapper aux espions invisibles qui, dès à présent, devaient observer les moindres démarches de cet homme, malheureusement si distrait ?
— Si matame feut addentre ein bedit quard’hire, che fais bousser eine regonnaissanze dans le gampe ennemi, dit Kolb, et vis ferrez que che m’y gonnais, quoique chaie l’air d’ein Hallemante ; gomme che suis ein frai Vrançais, chai engor te la malice.
— Oh ! madame, dit Marion, laissez-le aller, il ne pense qu’à garder monsieur, il n’a pas d’autres idées. Kolb n’est pas un Alsacien. C’est… quoi ?… un vrai terre-neuvien !
— Allez, mon bon Kolb, lui dit David, nous avons encore le temps de prendre un parti.
Kolb courut chez l’huissier, où les ennemis de David, réunis en conseil, avisaient aux moyens de s’emparer de lui.
L’arrestation des débiteurs est, en province, un fait exorbitant, anormal, s’il en fut jamais. D’abord, chacun s’y connaît trop bien pour que personne emploie jamais un moyen si odieux. On doit se trouver, créanciers et débiteurs, face à face pendant toute la vie. Puis, quand un commerçant, un banqueroutier, pour se servir des expressions de la province, qui ne transige guère sur cette espèce de vol légal, médite une vaste faillite, Paris lui sert de refuge. Paris est en quelque sorte la Belgique de la province : on y trouve des retraites presque impénétrables, et le mandat de l’huissier poursuivant expire aux limites de sa juridiction. Il est d’autres empêchements quasi dirimants. Ainsi, la loi qui consacre l’inviolabilité du domicile règne sans exception en province ; l’huissier n’y a pas le droit, comme à Paris, de pénétrer dans une maison tierce pour y venir saisir le débiteur. Le Législateur a cru devoir excepter Paris, à cause de la réunion constante de plusieurs familles dans la même maison. Mais, en province, pour violer le domicile du débiteur lui-même, l’huissier doit se faire assister du juge de paix. Or le juge de paix, qui tient sous sa puissance les huissiers, est à peu près le maître d’accorder ou de refuser son concours. À la louange des juges de paix, on doit dire que cette obligation leur pèse, ils ne veulent pas servir des passions aveugles, ou