Séchard serait venu payer son effet, le trois mai, ou le lendemain même du protêt, messieurs Cointet frères lui eussent dit : « Nous avons retourné votre effet à monsieur Métivier ! » quand même l’effet se fût encore trouvé sur leur bureau. Le Compte de Retour est acquis le soir même du protêt. Ceci, dans le langage de la banque de province, s’appelle : faire suer les écus. Les seuls ports de lettres produisent quelque vingt mille francs à la maison Keller qui correspond avec le monde entier, et les Comptes de Retour payent la loge aux Italiens, la voiture et la toilette de madame la Baronne de Nucingen. Le port de lettre est un abus d’autant plus effroyable que les banquiers s’occupent de dix affaires semblables en dix lignes d’une lettre. Chose étrange ! le Fisc a sa part dans cette prime arrachée au malheur, et le Trésor Public s’enfle ainsi des infortunes commerciales. Quant à la Banque, elle jette au débiteur, du haut de ses comptoirs, cette parole pleine de raison : — Pourquoi n’êtes-vous pas en mesure ? à laquelle malheureusement on ne peut rien répondre. Ainsi le Compte de Retour est un conte plein de fictions terribles pour lequel les débiteurs, qui réfléchiront sur cette page instructive, éprouveront désormais un effroi salutaire.
Le quatre mai, Métivier reçut de messieurs Cointet frères le Compte de Retour avec un ordre de poursuivre à outrance à Paris monsieur Lucien Chardon dit de Rubempré.
Quelques jours après, Ève reçut, en réponse à la lettre qu’elle écrivit à monsieur Métivier, le petit mot suivant, qui la rassura complétement.
» J’ai reçu en son temps votre estimée du 5 courant. J’ai compris, d’après vos explications relativement à l’effet impayé du 30 avril dernier, que vous aviez obligé votre beau-frère, monsieur de Rubempré, qui fait assez de dépenses pour que ce soit vous rendre service que de le contraindre à payer : il est dans une situation à ne pas se laisser longtemps poursuivre. Si votre honoré beau-frère ne payait point je ferais fond sur la loyauté de votre vieille maison, et me dis, comme toujours,