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qui font subrepticement la banque à prendre patente de banquier, laquelle à Paris, par exemple, coûte cinq cents francs. Mais les frères Cointet et Métivier, pour être ce qu’on appelle à la Bourse des marrons, n’en remuaient pas moins entre eux quelques centaines de mille francs par trimestre sur les places de Paris, de Bordeaux et d’Angoulême. Or, dans la soirée même, la maison Cointet frères avait reçu de Paris les trois mille francs d’effets faux fabriqués par Lucien. Le grand Cointet avait aussitôt bâti sur cette dette une formidable machine dirigée, comme on va le voir, contre le patient et pauvre inventeur.

Le lendemain, à sept heures du matin, Boniface Cointet se promenait le long de la prise d’eau qui alimentait sa vaste papeterie, et dont le bruit couvrait celui des paroles. Il y attendait un jeune homme, âgé de vingt-neuf ans, depuis six semaines avoué près le Tribunal de première instance d’Angoulême, et nommé Pierre Petit-Claud.

— Vous étiez au collége d’Angoulême en même temps que David Séchard, dit le grand Cointet en saluant le jeune avoué qui se gardait bien de manquer à l’appel du riche fabricant.

— Oui, monsieur, répondit Petit-Claud en se mettant au pas du grand Cointet.

— Avez-vous renouvelé connaissance ?

— Nous nous sommes rencontrés deux fois tout au plus depuis son retour. Il ne pouvait pas en être autrement : j’étais enfoui dans l’Étude ou au Palais les jours ordinaires ; et, le dimanche ou les jours de fête, je travaillais à compléter mon instruction, car j’attendais tout de moi-même…

Le grand Cointet hocha la tête en signe d’approbation.

— Quand David et moi nous nous sommes revus, il m’a demandé ce que je devenais. Je lui ai dit qu’après avoir fait mon Droit à Poitiers, j’étais devenu premier clerc de maître Olivet, et que j’espérais un jour ou l’autre traiter de cette charge… Je connaissais beaucoup plus Lucien Chardon, qui se fait maintenant appeler de Rubempré, l’amant de madame de Bargeton, notre grand poète, enfin le beau-frère de David Séchard.

— Vous pouvez alors aller annoncer à David votre nomination et lui offrir vos services, dit le grand Cointet.

— Cela ne se fait pas, répondit le jeune avoué.

— Il n’a jamais eu de procès, il n’a pas d’avoué, cela peut se