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— Je ne prendrais ces valeurs pour aucun avantage, dit le petit homme dont les mots glissèrent sur la proposition de Lousteau comme le couteau de la guillotine sur la tête d’un homme.

Les deux amis se retirèrent ; en traversant l’antichambre, jusqu’où les reconduisit prudemment Chaboisseau, Lucien aperçut un tas de bouquins que l’escompteur, ancien libraire, avait achetés et parmi lesquels brilla tout à coup aux yeux du romancier l’ouvrage de l’architecte Ducerceau sur les maisons royales et les célèbres châteaux de France dont les plans sont dessinés dans ce livre avec une grande exactitude.

— Me céderiez-vous cet ouvrage ? dit Lucien.

— Oui, dit Chaboisseau qui d’escompteur redevint libraire.

— Quel prix ?

— Cinquante francs.

— C’est cher, mais il me le faut ; et je n’aurais pour vous payer que les valeurs dont vous ne voulez pas.

— Vous avez un effet de cinq cents francs à six mois, je vous le prendrai, dit Chaboisseau qui sans doute devait à Fendant et Cavalier un reliquat de bordereau pour une somme équivalente.

Les deux amis rentrèrent dans la chambre grecque, où Chaboisseau fit un petit bordereau à six pour cent d’intérêt et six pour cent de commission, ce qui produisit une déduction de trente francs ; il porta sur le compte les cinquante francs, prix du Ducerceau, et tira de sa caisse, pleine de beaux écus, quatre cent vingt francs.

— Ah çà ! monsieur Chaboisseau, les effets sont tous bons ou tous mauvais, pourquoi ne nous escomptez-vous pas les autres ?

— Je n’escompte pas, je me paye d’une vente, dit le bonhomme.

Étienne et Lucien riaient encore de Chaboisseau sans l’avoir compris, quand ils arrivèrent chez Dauriat, où Lousteau pria Gabusson de leur indiquer un escompteur. Les deux amis prirent un cabriolet à l’heure et allèrent au boulevard Poissonnière, munis d’une lettre de recommandation que leur avait donnée Gabusson, en leur annonçant le plus bizarre et le plus étrange particulier, selon son expression.

— Si Samanon ne prend pas vos valeurs, avait dit Gabusson, personne ne vous les escomptera.

Bouquiniste au rez-de-chaussée, marchand d’habits au premier étage, vendeur de gravures prohibées au second, Samanon était encore prêteur sur gages. Aucun des personnages introduits dans les