Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 8.djvu/351

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Ils n’en sont encore, dit Bixiou, qu’à chercher la pensée providentielle du vin de Champagne, le sens humanitaire des pantalons et la petite bête qui fait aller le monde. Ils ramassent des grands hommes tombés, comme Vico, Saint-Simon, Fourier. J’ai bien peur qu’ils ne tournent la tête à mon pauvre Joseph Bridau.

— Y enseigne-t-on la gymnastique et l’orthopédie des esprits ? demanda Merlin.

— Ça se pourrait, répondit Finot. Rastignac m’a dit que Bianchon donnait dans ces rêveries.

— Leur chef visible n’est-il pas d’Arthez, dit Nathan, un petit jeune homme qui doit nous avaler tous ?

— C’est un homme de génie ! s’écria Lucien.

— J’aime mieux un verre de vin de Xérès, dit Claude Vignon en souriant.

En ce moment, chacun expliquait son caractère à son voisin. Quand les gens d’esprit en arrivent à vouloir s’expliquer eux-mêmes, à donner la clef de leurs cœurs, il est sûr que l’Ivresse les a pris en croupe. Une heure après, tous les convives, devenus les meilleurs amis du monde, se traitaient de grands hommes, d’hommes forts, de gens à qui l’avenir appartenait. Lucien, en qualité de maître de maison, avait conservé quelque lucidité dans l’esprit : il écouta des sophismes qui le frappèrent et achevèrent l’œuvre de sa démoralisation.

— Mes enfants, dit Finot, le parti libéral est obligé de raviver sa polémique, car il n’a rien à dire en ce moment contre le gouvernement, et vous comprenez dans quel embarras se trouve alors l’Opposition. Qui de vous veut écrire une brochure pour demander le rétablissement du droit d’aînesse, afin de faire crier contre les desseins secrets de la Cour ? La brochure sera bien payée.

— Moi, dit Hector Merlin, c’est dans mes opinions.

— Ton parti dirait que tu le compromets, répliqua Finot. Félicien, charge-toi de cette brochure, Dauriat l’éditera, nous garderons le secret.

— Combien donne-t-on ? dit Vernou.

— Six cents francs ! Tu signeras : le comte C…

— Ça va ! dit Vernou.

— Vous allez donc élever le canard jusqu’à la politique, reprit Lousteau.

— C’est l’affaire de Chabot transportée dans la sphère des idées,