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tèmes. Julie et Claire sont des entéléchies, elles n’ont ni chair ni os. Tu peux démancher sur ce thème et dire que nous devons à la paix, aux Bourbons, une littérature jeune et originale, car tu écris dans un journal Centre droit. Moque-toi des faiseurs de systèmes. Enfin tu peux t’écrier par un beau mouvement : Voilà bien des erreurs, bien des mensonges chez notre confrère ! et pourquoi ? pour déprécier une belle œuvre, tromper le public et arriver à cette conclusion : Un livre qui se vend ne se vend pas. Proh pudor ! lâche Proh pudor ! ce juron honnête anime le lecteur. Enfin annonce la décadence de la critique ! Conclusion : Il n’y a qu’une seule littérature, celle des livres amusants. Nathan est entré dans une voie nouvelle, il a compris son époque et répond à ses besoins. Le besoin de l’époque est le drame. Le drame est le vœu du siècle où la politique est un mimodrame perpétuel. N’avons-nous pas vu en vingt ans, diras-tu, les quatre drames de la Révolution, du Directoire, de l’Empire et de la Restauration ? De là, tu roules dans le dithyrambe de l’éloge, et la seconde édition s’enlève ; car, samedi prochain, tu feras une feuille dans notre Revue, et tu la signeras de Rubempré en toutes lettres. Dans ce dernier article, tu diras : Le propre des belles œuvres est de soulever d’amples discussions. Cette semaine tel journal a dit telle chose du livre de Nathan, tel autre lui a vigoureusement répondu. Tu critiques les deux critiques C. et L., tu me dis en passant une politesse à propos de mon article des Débats, et tu finis en affirmant que l’œuvre de Nathan est le plus beau livre de l’époque. C’est comme si tu ne disais rien, on dit cela de tous les livres. Tu auras gagné quatre cents francs dans ta semaine, outre le plaisir d’écrire la vérité quelque part. Les gens sensés donneront raison ou à C. Ou à L. ou à Rubempré, peut-être à tous trois ! La mythologie, qui certes est une des plus grandes inventions humaines, a mis la Vérité dans le fond d’un puits, ne faut-il pas des seaux pour l’en tirer ? tu en auras donné trois pour un au public ! Voilà, mon enfant. Marche ! Lucien fut étourdi, Blondet l’embrassa sur les deux joues en lui disant : — Je vais à ma boutique.

Chacun s’en alla à sa boutique ; car, pour ces hommes forts, le journal était une boutique. Tous devaient se revoir le soir aux Galeries de Bois, où Lucien irait signer son traité chez Dauriat. Florine et Lousteau, Lucien et Coralie, Blondet et Finot dînaient au Palais-Royal, où Du Bruel traitait le directeur du Panorama-Dramatique.