Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 8.djvu/312

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Chacun se leva, se serra les mains, et la séance fut levée au milieu des témoignages de la plus touchante familiarité.

— Qu’as-tu donc fait à Finot, dit Étienne à Lucien en descendant, pour qu’il ait passé un marché avec toi ? Tu es le seul avec lequel il se soit lié.

— Moi, rien, il me l’a proposé, dit Lucien.

— Enfin, tu aurais avec lui des arrangements, j’en serais enchanté, nous n’en serions que plus forts tous deux.

Au rez-de-chaussée, Étienne et Lucien trouvèrent Finot qui prit à part Lousteau dans le cabinet ostensible de la Rédaction.

— Signez votre traité pour que le nouveau directeur croie la chose faite d’hier, dit Giroudeau qui présentait à Lucien deux papiers timbrés.

En lisant ce traité, Lucien entendit entre Étienne et Finot une discussion assez vive qui roulait sur les produits en nature du journal. Étienne voulait sa part de ces impôts perçus par Giroudeau. Il y eut sans doute une transaction entre Finot et Lousteau, car les deux amis sortirent entièrement d’accord.

— À huit heures, aux Galeries-de-Bois, chez Dauriat, dit Étienne à Lucien.

Un jeune homme se présenta pour être rédacteur de l’air timide et inquiet qu’avait Lucien naguère. Lucien vit avec un plaisir secret Giroudeau pratiquant sur le néophyte les plaisanteries par lesquelles le vieux militaire l’avait abusé ; son intérêt lui fit parfaitement comprendre la nécessité de ce manége, qui mettait des barrières presque infranchissables entre les débutants et la mansarde où pénétraient les élus.

— Il n’y a pas déjà tant d’argent pour les rédacteurs, dit-il à Giroudeau.

— Si vous étiez plus de monde, chacun de vous en aurait moins, répondit le capitaine. Et donc !

L’ancien militaire fit tourner sa canne plombée, sortit en broum-broumant, et parut stupéfait de voir Lucien montant dans le bel équipage qui stationnait sur les boulevards.

— Vous êtes maintenant les militaires, et nous sommes les pékins, lui dit le soldat.

— Ma parole d’honneur, ces jeunes gens me paraissent être les meilleurs enfants du monde, dit Lucien à Coralie. Me voilà journaliste avec la certitude de pouvoir gagner six cents francs par mois,