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ILLUSIONS PERDUES : LES DEUX POÈTES.

de la fortune de sa mère. Si cette fortune ne pouvait entrer en compensation du prix de l’imprimerie, elle devait au moins servir à l’exploitation en commun.

— La fortune de ta mère ? dit le vieux Séchard, mais c’était son intelligence et sa beauté !

À cette réponse, David devina son père tout entier, et comprit que, pour en obtenir un compte, il faudrait lui intenter un procès interminable, coûteux et déshonorant. Ce noble cœur accepta le fardeau qui allait peser sur lui, car il savait avec combien de peines il acquitterait les engagements pris envers son père.

— Je travaillerai, se dit-il. Après tout, si j’ai du mal, le bonhomme en a eu. Ne sera-ce pas d’ailleurs travailler pour moi-même ?

— Je te laisse un trésor, dit le père inquiet du silence de son fils.

David demanda quel était ce trésor.

— Marion, dit le père.

Marion était une grosse fille de campagne indispensable à l’exploitation de l’imprimerie : elle trempait le papier et le rognait, faisait les commissions et la cuisine, blanchissait le linge, déchargeait les voitures de papier, allait toucher l’argent et nettoyait les tampons. Si Marion eût su lire, le vieux Séchard l’aurait mise à la composition.

Le père partit à pied pour la campagne. Quoique très-heureux de sa vente, déguisée sous le nom d’association, il était inquiet de la manière dont il serait payé. Après les angoisses de la vente, viennent toujours celles de sa réalisation. Toutes les passions sont essentiellement jésuitiques. Cet homme, qui regardait l’instruction comme inutile, s’efforça de croire à l’influence de l’instruction. Il hypothéquait ses trente mille francs sur les idées d’honneur que l’éducation devait avoir développées chez son fils. En jeune homme bien élevé, David suerait sang et eau pour payer ses engagements, ses connaissances lui feraient trouver des ressources, il s’était montré plein de beaux sentiments, il payerait ! Beaucoup de pères, qui agissent ainsi, croient avoir agi paternellement, comme le vieux Séchard avait fini par se le persuader en atteignant son vignoble situé à Marsac, petit village à quatre lieues d’Angoulême. Ce domaine, où le précédent propriétaire avait bâti une jolie habitation, s’était augmenté d’année en année depuis 1809, époque où le vieil Ours l’avait acquis. Il y échangea les soins du pressoir contre ceux de la presse, et il était,