dans sa loge, mon bijou ? dit-il à une actrice qui se préparait à son entrée en scène en écoutant les acteurs.
— Oui, mon amour. Je te remercie de ce que tu as dit de moi. Tu es d’autant plus gentil que Florine entrait ici.
— Allons, ne manque pas ton effet, ma petite, lui dit Lousteau. Précipite-toi, haut la patte ! dis-moi bien : Arrête, malheureux ! car il y a deux mille francs de recette.
Lucien stupéfait vit l’actrice se composant et s’écriant : Arrête, malheureux ! de manière à le glacer d’effroi. Ce n’était plus la même femme.
— Voilà donc le théâtre, se dit-il.
— C’est comme la boutique des Galeries de Bois et comme un journal pour la littérature, une vraie cuisine.
Nathan parut.
— Pour qui venez-vous donc ici ? lui dit Lousteau.
— Mais je fais les petits théâtres à la Gazette, en attendant mieux, répondit Nathan.
— Eh ! soupez donc avec nous ce soir, et traitez bien Florine, à charge de revanche, lui dit Lousteau.
— Tout à votre service, répondit Nathan.
— Vous savez, elle demeure maintenant rue de Bondy.
— Qui donc est ce beau jeune homme avec qui tu es, mon petit Lousteau ? dit l’actrice en rentrant de la Scène dans la coulisse.
— Ah ! ma chère, un grand poète, un homme qui sera célèbre. Comme vous devez souper ensemble, monsieur Nathan, je vous présente monsieur Lucien de Rubempré.
— Vous portez un beau nom, monsieur, dit Raoul à Lucien.
— Lucien ? monsieur Raoul Nathan, fit Étienne à son nouvel ami.
— Ma foi, monsieur, je vous lisais il y a deux jours, et je n’ai pas conçu, quand on a fait votre livre et votre recueil de poésies, que vous soyez si humble devant un journaliste.
— Je vous attends à votre premier livre, répondit Nathan en laissant échapper un fin sourire.
— Tiens, tiens, les Ultras et les Libéraux se donnent donc des poignées de main, s’écria Vernou en voyant ce trio.
— Le matin je suis des opinions de mon journal, dit Nathan, mais le soir je pense ce que je veux, la nuit tous les rédacteurs sont gris.