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cause une belle œuvre, de même que leur admiration annonce le bonheur inspiré par une œuvre médiocre qui rassure leur amour-propre.


TRENTIÈME SONNET.


LE CAMÉLIA.


Chaque fleur dit un mot du livre de nature :
La rose est à l’amour et fête la beauté,
La violette exhale une âme aimante et pure,
Et le lis resplendit de sa simplicité.

Mais le camélia, monstre de la culture,
Rose sans ambroisie et lis sans majesté,
Semble s’épanouir, aux saisons de froidure,
Pour les ennuis coquets de la virginité.

Cependant, au rebord des loges de théâtre,
J’aime à voir, évasant leurs pétales d’albâtre,
Couronne de pudeur, de blancs camélias

Parmi les cheveux noirs des belles jeunes femmes
Qui savent inspirer un amour pur aux âmes,
Comme les marbres grecs du sculpteur Phidias.


— Que pensez-vous de mes pauvres sonnets ? demanda formellement Lucien.

— Voulez-vous la vérité ? dit Lousteau.

— Je suis assez jeune pour l’aimer, et je veux trop réussir pour ne pas l’entendre sans me fâcher, mais non sans désespoir, répondit Lucien.

— Hé ! bien, mon cher, les entortillages du premier annoncent une œuvre faite à Angoulême et qui vous a sans doute trop coûté pour y renoncer ; le second et le troisième sentent déjà Paris ; mais lisez-m’en un autre encore ? ajouta-t-il en faisant un geste qui parut charmant au grand homme de province.

Encouragé par cette demande, Lucien lut avec plus de confiance le sonnet que préféraient d’Arthez et Bridau, peut-être à cause de sa couleur.