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l’Houmeau ne peut pas y coucher. Ah çà ! c’est donc la reine de France ?

— Eh ! bien, mon père, je construirai le second étage à mes frais, ce sera le fils qui enrichira le père. Quoique ce soit le monde renversé, cela se voit quelquefois.

— Comment, mon gars, tu as de l’argent pour bâtir, et tu n’en as pas pour payer tes loyers ? Finaud, tu ruses avec ton père !

La question ainsi posée devint difficile à résoudre, car le bonhomme était enchanté de mettre son fils dans une position qui lui permît de ne lui rien donner tout en paraissant paternel. Aussi David ne put-il obtenir de son père qu’un consentement pur et simple au mariage et la permission de faire à ses frais, dans la maison paternelle, toutes les constructions dont il pouvait avoir besoin. Le vieil Ours, ce modèle des pères conservateurs, fit à son fils la grâce de ne pas exiger ses loyers et de ne pas lui prendre les économies qu’il avait eu l’imprudence de laisser voir. David revint triste : il comprit que dans le malheur il ne pourrait pas compter sur le secours de son père.

Il ne fut question dans tout Angoulême que du mot de l’Évêque et de la réponse de madame de Bargeton. Les moindres événements furent si bien dénaturés, augmentés, embellis, que le poète devint le héros du moment. De la sphère supérieure où gronda cet orage de cancans, il en tomba quelques gouttes dans la bourgeoisie. Quand Lucien passa par Beaulieu pour aller chez madame de Bargeton, il s’aperçut de l’attention envieuse avec laquelle plusieurs jeunes gens le regardèrent, et saisit quelques phrases qui l’enorgueillirent.

— Voilà un jeune homme heureux, disait un fils de famille qui avait assisté à la lecture, il est joli garçon, il a du talent, et madame de Bargeton en est folle !

— La plus belle femme d’Angoulême est à lui, fut une autre phrase qui remua toutes les vanités de son cœur.

Il avait impatiemment attendu l’heure où il savait trouver Louise seule, il avait besoin de faire accepter le mariage de sa sœur à cette femme, devenue l’arbitre de ses destinées. Après la soirée de la veille, Louise serait peut-être plus tendre, et cette tendresse pouvait amener un moment de bonheur. Il ne s’était pas trompé : madame de Bargeton le reçut avec une emphase de sentiment qui parut à ce novice en amour un touchant progrès de passion. Elle