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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

qualités extérieures d’un parti ; mais si le chevalier de Valois était l’homme choisi par le cœur, par l’esprit, par l’ambition, cette vieille ruine, quoique peignée comme le saint Jean d’une procession, effrayait mademoiselle Cormon : si elle voyait un gentilhomme en lui, la fille ne voyait pas de mari. L’indifférence affectée par le chevalier en fait de mariage, et surtout la prétendue pureté de ses mœurs dans une maison pleine de grisettes, faisaient un tort énorme à monsieur de Valois, contrairement à ses prévisions. Ce gentilhomme, qui avait vu si juste dans l’affaire de la rente viagère, se trompait en ceci. Sans qu’elle s’en doutât, les pensées de mademoiselle Cormon sur le trop sage chevalier pouvaient se traduire par ce mot : — Quel dommage qu’il ne soit pas un peu libertin ! Les observateurs du cœur humain ont remarqué le penchant des dévotes pour les mauvais sujets, en s’étonnant de ce goût qu’ils croient opposé à la vertu chrétienne. D’abord, quelle plus belle destinée donneriez-vous à la femme vertueuse que celle de purifier à la manière du charbon les eaux troubles du vice ? Mais comment n’a-t-on pas vu que ces nobles créatures, réduites par la rigidité de leurs principes à ne jamais enfreindre la fidélité conjugale, doivent naturellement désirer un mari de haute expérience pratique ! Les mauvais sujets sont des grands hommes en amour. Ainsi, la pauvre fille gémissait de trouver son vase d’élection cassé en deux morceaux. Dieu seul pouvait souder le chevalier de Valois et du Bousquier. Pour bien faire comprendre l’importance du peu de mots que le chevalier et mademoiselle Cormon allaient se dire, il est nécessaire d’exposer deux graves affaires qui s’agitaient dans la ville, et sur lesquelles les opinions étaient divisées. Du Bousquier, d’ailleurs, s’y trouvait mystérieusement mêlé.

L’une concernait le curé d’Alençon, qui jadis avait prêté le serment constitutionnel, et qui vainquait en ce moment les répugnances catholiques en déployant les plus hautes vertus. Ce fut un Cheverus au petit pied, et si bien apprécié, qu’à sa mort la ville entière le pleura. Mademoiselle Cormon et l’abbé de Sponde appartenaient à cette Petite-Église sublime dans son orthodoxie, et qui fut à la cour de Rome ce que les ultras allaient être à Louis XVIII. L’abbé surtout ne reconnaissait pas l’Église qui avait transigé forcément avec les constitutionnels. Ce curé n’était point reçu dans la maison Cormon, dont les sympathies étaient acquises au desservant de Saint-Léonard, la paroisse aristocratique d’Alençon. Du