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les hauts-faits nocturnes étaient redits par mademoiselle Cormon au chevalier de Valois, en s’étonnant de l’inutilité des moyens employés contre eux. Le jardin, d’environ un demi-arpent, est margé par la Brillante, ainsi nommée à cause des parcelles de mica qui paillettent son lit ; mais partout ailleurs que dans le Val-Noble où ses eaux maigres sont chargées de teintures et des débris qu’y jettent les industries de la ville. La rive opposée au jardin de mademoiselle Cormon est encombrée, comme dans toutes les villes de province où passe un cours d’eau, de maisons où s’exercent des professions altérées ; mais par bonheur elle n’avait alors en face d’elle que des gens tranquilles, des bourgeois, un boulanger, un dégraisseur, des ébénistes. Ce jardin, plein de fleurs communes, est terminé naturellement par une terrasse formant un quai, au bas de laquelle se trouvent quelques marches pour descendre à la Brillante. Sur la balustrade de la terrasse imaginez de grands vases en faïence bleue et blanche d’où s’élèvent des giroflées ; à droite et à gauche, le long des murs voisins, voyez deux couverts de tilleuls carrément taillés ; vous aurez une idée du paysage plein de bonhomie pudique, de chasteté tranquille, de vues modestes et bourgeoises qu’offraient la rive opposée et ses naïves maisons, les eaux rares de la Brillante, le jardin, ses deux couverts collés contre les murs voisins, et le vénérable édifice des Cormon. Quelle paix ! quel calme ! rien de pompeux, mais rien de transitoire : là, tout semble éternel. Le rez-de-chaussée appartenait donc à la réception. Là tout respirait la vieille, l’inaltérable province. Le grand salon carré à quatre portes et à quatre croisées était modestement lambrissé de boiseries peintes en gris. Une seule glace, oblongue, se trouvait sur la cheminée, et le haut du trumeau représentait le Jour conduit par les Heures peint en camaïeu. Ce genre de peinture infestait tous les dessus de porte où l’artiste avait inventé ces éternelles Saisons, qui dans une bonne partie des maisons du centre de la France vous font prendre en haine de détestables Amours occupés à moissonner, à patiner, à semer ou à se jeter des fleurs. Chaque fenêtre était ornée de rideaux en damas vert relevés par des cordons à gros glands qui dessinaient d’énormes baldaquins. Le meuble en tapisserie, dont les bois peints et vernis se distinguaient par les formes contournées si fort à la mode dans le dernier siècle, offrait dans ses médaillons les fables de La Fontaine ; mais quelques bords de chaises ou de fauteuils avaient été reprisés. Le plafond était séparé en deux par une grosse solive au