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LES RIVALITÉS: LE CABINET DES ANTIQUES.

rer des réformes. Il fut, sous ce rapport, insensé. Il ne voulut pas penser aux moyens, il puisa dans ses sacs comme s’ils devaient toujours se remplir, et se défendit à lui-même de réfléchir à ce qu’il adviendrait de ce système. Dans ce monde dissipé, dans ce tourbillon de fêtes, on admet les acteurs en scène sous leurs brillants costumes, s’en s’enquérir de leurs moyens : il n’y a rien de plus mauvais goût que de les discuter. Chacun doit perpétuer ses richesses comme la nature perpétue la sienne, en secret. On cause des détresses échues, on s’inquiète en raillant de la fortune de ceux que l’on ne connaît pas, mais on s’arrête là. Un jeune homme comme Victurnien, appuyé par les puissances du faubourg Saint-Germain, et à qui ses protecteurs eux-mêmes accordaient une fortune supérieure à celle qu’il avait, ne fût-ce que pour se débarrasser de lui, tout cela très-finement, très-élégamment, par un mot, par une phrase ; enfin un comte à marier, joli homme, bien pensant, spirituel, dont le père possédait encore les terres de son vieux marquisat et le château héréditaire, ce jeune homme est admirablement accueilli dans toutes les maisons où il y a des jeunes femmes ennuyées, des mères accompagnées de filles à marier, ou des belles danseuses sans dot. Le monde l’attira donc, en souriant, sur les premières banquettes de son théâtre. Les banquettes que les marquis d’autrefois occupaient sur la scène existent toujours à Paris où les noms changent, mais non les choses.

Victurnien retrouva dans la société du faubourg Saint-Germain où l’on se comptait avec le plus de réserve, le double du Chevalier, dans la personne du vidame de Pamiers. Le vidame était un chevalier de Valois élevé à la dixième puissance, entouré de tous les prestiges de la fortune, et jouissant des avantages d’une haute position. Ce cher vidame était l’entrepôt de toutes les confidences, la gazette du faubourg ; discret néanmoins, et comme toutes les gazettes, ne disant que ce que l’on peut publier. Victurnien entendit encore professer les doctrines transcendantes du Chevalier. Le vidame dit à d’Esgrignon, sans le moindre détour, d’avoir des femmes comme il faut, et lui raconta ce qu’il faisait à son âge. Ce que le vidame de Pamiers se permettait alors, est si loin des mœurs modernes où l’âme et la passion jouent un si grand rôle, qu’il est inutile de le raconter à des gens qui ne le croiraient pas. Mais cet excellent vidame fit mieux, il dit en forme de conclusion à Victurnien : — Je vous donne à dîner demain au cabaret. Après l’Opéra