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LES RIVALITÉS: LA VIEILLE FILLE.

mit sur le sien, le pressa fort adorablement et l’emmena dans l’embrasure d’une fenêtre.

— Êtes-vous heureuse au moins ? dit-il avec une voix paternelle.

— Oui, dit-elle en baissant les yeux.

En entendant ce oui, madame de Troisville, la fille de la princesse Sherbellof et la vieille marquise de Castéran vinrent se joindre au chevalier, accompagnées de mademoiselle de Gordes. Toutes allèrent se promener dans le jardin en attendant le dîner, sans que madame du Bousquier, hébétée par la douleur, se fût aperçue que les dames et le chevalier menaient une petite conspiration de curiosité. « Nous la tenons, sachons le mot de l’énigme ? » était une phrase écrite dans les regards que ces personnes se jetèrent.

— Pour que votre bonheur fût complet, dit mademoiselle Armande, il vous faudrait des enfants, un beau garçon comme mon neveu….

Une larme roula dans les yeux de madame du Bousquier.

— J’ai entendu dire que vous étiez la seule coupable en cette affaire, que vous aviez peur d’une grossesse ? dit le chevalier.

— Moi, dit-elle naïvement, j’achèterais un enfant par cent années d’enfer.

Sur la question ainsi posée, il s’émut une discussion conduite avec une excessive délicatesse par madame la vicomtesse de Troisville et la vieille marquise de Castéran qui entortillèrent si bien la pauvre vieille fille qu’elle livra, sans s’en douter, les secrets de son ménage. Mademoiselle Armande avait pris le bras du chevalier et s’était éloignée, afin de laisser les trois femmes causer mariage. Madame du Bousquier fut alors désabusée des mille déceptions de son mariage ; et comme elle était restée bestiote, elle amusa ses confidentes par de délicieuses naïvetés. Quoique dans le premier moment le mensonger mariage de mademoiselle Cormon fît rire toute la ville bientôt initiée aux manœuvres de du Bousquier, néanmoins madame du Bousquier gagna l’estime et la sympathie de toutes les femmes. Tant que mademoiselle Cormon avait couru sus au mariage sans réussir à se marier, chacun se moquait d’elle, mais quand chacun apprit la situation exceptionnelle où la plaçait la sévérité de ses principes religieux, tout le monde l’admira. Cette pauvre madame du Bousquier remplaça cette bonne demoiselle Cormon. Le chevalier rendit ainsi pour quelque temps du Bousquier odieux et ridicule, mais le ridicule finit par s’affaiblir ; et quand chacun