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LA MYE DU ROY

Il y avoyt en ce tems ung orphebvre logé aux forges du Pont-au Change, duquel la fille estoyt citée dans Paris pour sa trez-grande beaulté, renommée sur toute chouse pour sa genteté; aussy, trez-bien la pourchassoyent aulcuns par les fassons accoustumées de l’amour; et tant, que certains auroyent baillé de l’argent au père pour avoir sa dicte fille comme véritable espouze, ce qui le rendoyt aise tant que ie ne sauroys dire.

Ung sien voisin, advocat au parlement, lequel, force de vendre son bagoust aux aultres, avoyt autant de domaines que ung chien a de puces, s’advisa d’offrir audict père ung hostel en recognois sance de son consentement à ce mariaige, dont il vouloyt se chaus ser. A quoy ne faillit point l’orphebvre. Il octroya sa fille, sans avoir soulcy de ce que cettuy chapperon fourré avoyt une mine de cinge, peu de dents en ses mandibules, encore bransloyent-elles, et sans mesme le flairer, quoique il fust ord et puant comme tous iusiiciards qui croupissent de reste ez fumiers du palais , parchemins, olim, et noires procédures.

Ores que la belle fille le vit, elle dit de prime face : — Mercy Diou ! ie n’en veux point

— Ce n’est mon compte ! dit le père, qui avoyt déià prins l'hostel en goust. Ie te le donne pour espoux. Accordez vos musicques. Cela maintenant le resguarde, et son office est de t’agréer.

— Est-ce ainsy? fit-elle. Eh bien! devant que de vous obéir, ie luy diray son faict.

Et le soir mesme, après souper, lors que l’amoureux commença de luy exposer son cas bruslant, luy desclairant comme il es- .oyt féru d’elle et luy promettant grant chiere pour le demourant de sa vie, elle luy respondit de brief :

— Mon père vous ha vendu mon corps; mais, si le prenez, vous ferez de moi une gouge* veu aue i’aimeroys mieulx estre aux pas-