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estoyt, folastroyt-elle avecques les glands d’or du lict, les bobans, et s’esmerveilloyt des richesses du pourpris où debvoyt estre enterrée sa fleur. Sentant ung peu tard sa coulpe, et se fiant à l’advenir qui cependant alloyt ruyner tous les iours ung petit ce dont il faisoyt estat pour resgualer sa femme, le senneschal voulut suppléer au faict par la parole. Ores, il entretint son espousée de toutes sortes ; luy promit les clefs de ses dressoirs, greniers et bahusts, le parfaict gouvernement de ses maisons et domaines, sans controlle aulcun ; luy pendant au cou le chansteau du pain, selon le populaire dicton de Tourayne. Elle estoyt comme un jeune destrier, à plein foin, trouvoyt son bonhomme le plus guallant du monde ; et, se dressant sur son séant, elle se print à soubrire, et vit avecques eucores plus de ioye ce beau lict de brocard verd, où doresenavant il luy estoyt loisible et sans faulte de dormir toutes les nuicts. La voyant preste à iouer, le rusé seigneur, qui avoyt peu rencontré de pucelles, et sçavoyt, par mainte expérience, combien les femmes sont cinges sur la plume, veu qu’il s’estoyt tousiours esbattu avec des Galloises, redoubtoyt les ieux manuels, baisers de passaige, et les menuz suffraiges d’amour auxquels iadis il ne faisoyt défaut, mais qui, prezentement, l’auroyent trouvé froid comme l’obit d’ung pape. Doncques, il se recula devers le bord du lict en craignant son heur, et dit à sa trop délectable espouze : — Hé bien ! m’amie, vous voilà ores senneschalle ; et, de faict, trez-bien senneschaussée. — Oh non ! fit-elle.

— Comment, non ? respondit-il en grant paour, n’estes-vous pas dame ?

— Non, fit-elle encore. Ne la seray que si i’ai un enfant

— Avez-vous veu les prées en venant ? reprint le bon compère.

— Oui, fit-elle.

— Eh bien ! elles sont à vous…

— Oh ! oh ! respondit-elle en riant, ie m’amuserai bien à y querrir des papillons.

— Voilà qui est saige, dit le seigneur. Et les bois ?

— Ah ! ie ne sauroys y estre seule, et vous m’y menerez. Mais, dit-elle, baillez-moi un petit de ceste liqueur que la Ponneuse ha faicte avecques tant de soin pour nous.

— Et pourquoy, m’amie ? vous vous boutterez le feu dedans le corps.

— Oh ! si veux-je, fit-elle en grignottant de despit, pour ce que