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tismal, il songea peu à ses grievfes blessures, et encores moins aux quatre-vingts ans bien sonnez qui lui avoyent desguarni la teste ; il trouva ses yeulx clairs assez pour ce qu’il voyoyt trez-apertement sa jeune commère, laquelle, suyvant les commandemens de la dame d’Azay, le festoyoyt trez-bien de l’œil et du geste, cuydant qu’il n’y avoyt aulcun dangier près de si vieulx compère. En sorte que Blanche, naïfve et nice qu’elle estoyt, au rebours de toutes les garses de Tourayne, lesquelles sont esveiglées comme ung matin de printems, permit au bonhomme de luy baiser la main d’abord ; et, davantaige, le col ung peu bas, disoyt l’archevesque qui les maria la semaine d’après, et ce feut de belles espousailles, et une plus belle espousée !

La dicte Blanche estoyt mince et frisque comme pas une ; et mieulx que ça, pucelle comme jamais pucelle ne feut ; pucelle à ne point cognoistre l’amour, ni sçavoir comment et pourquoy il se faisoyt ; pucelle à s’estonner qu’aulcunes fainéantassent dedans le lict ; pucelle à croire que marmotz estoyent issus d’ung chou frizé. Sa dicte mère l’avoyt ainsy nourrie en toute innocence, sans luy lairrer seulement considérer, tant soit peu, comment elle entonnoyt sa soupe entre ses dents. Aussy estoyt-ce une enfant fleurie et intacte, ioueuse et naïfve, un ange auquel ne manquoyt que des aësles pour voler en paradiz. Et quand elle devalla du paouvre logiz de sa mère éplourée, pour consommer les fiançailles à la cathédrale de Sainct-Gatien et Sainct-Maurice, ceulx de la campaigne vindrent se repaistre la veue de la dicte mariée, et des tapisseries qui estoyent mises le long de la rue de la Scellerie, et dirent tous que iamais piedz plus mignons n’avoyent foulé terre de Tourayne, plus iolis yeulx pers, veu le ciel, plus belle feste aorné la rue de tapiz et de fleurs. Les garses de la ville, celles de Sainct-Martin et du bourg de Chasteauneuf, envioyent toutes les longues et faulves tresses avecques lesquelles, sans doute, Blanche avoyt pesché ung comté ; mais aussi et plus, soubhaitoyent-elles la robbe dorée, les pierreries d’oultre mer, les diamans blancs et les chaisnes avecques quoi la petite iouoyt et qui la lioyent pour tousiours au dict senneschal. Le vieulx soudard estoyt si raguaillardi près d’elle, que son heur crevoyt par tous ses riddes, ses resguards ou mouvemens. Quoique il fust à peu près droict comme une serpe, il se douanoyt aux coustez de Blanche, qu’on auroyt dict ung lansquenet à la parade, recevant sa monstre ; et il mettoyt la