Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 20.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contre des abbez. Sauf les potentats du hault clergié, avecques lesquels madame Impéria accommodoyt finement ses ires, elle menoyt tout à la baguette, en vertu de son cacquet et de ses fassons d’amour, dont les plus vertueux et insensibles estoyent enlassez comme dans de la glue. Aussy vivoyt-elle chérie et respectée autant que les vrayes dames et princesses, et l’appeloyt-on Madame. À quoy le bon empereur Sigismond respondoyt à une vraye et preude femme qui se plaignoyt de ce : — Que, elles, bonnes dames, conservoyent les coustumes saiges de la saincte vertu, et madame Impéria les tant doulx erremens de la déesse Vénus. Paroles chrestiennes dont se chocquèrent les dames, bien à tort.

Philippe doncques, repensant à la franche lippée qu’il avoyt eue par les yeulx, la veille, se doubta que ce seroyt tout. Lors, feut chagrin ; et, sans mangier ne boire, se pourmena par la ville, en attendant l’heure, d’autant qu’il estoyt cocquet et guallant assez, pour en trouver d’aultres moins rudes au montoir que n’estoyt madame Impéria.

La nuict venue, le ioli petit Tourangeaud, tout reslevé d’orgueil, caparassonné de dezirs, et fouetté par ses — Hélas ! qui l’estouffoyent, se coula comme une anguille au logis de la véritable royne du concile ; car, devant elle, s’abaissoyent toutes les authoritez, sciences et prud’hommies de la chrestienté. Le maistre d’hostel le desconnut et l’alloyt gecter dehors, quand la chamberière dit du hault des degrez : — Eh ! messire Imbert, c’est le petit de Madame ! Et le paouvre Philippe, rouge comme une nuict de nopces, monta la vis en bronchant d’heur et d’aise. La chamberière le prind par la main et le mena dedans la salle où piaffoyt déià Madame, lestement nippée en femme de couraige qui attend mieulx. La lucidificque Impéria estoyt assise près une table couverte de nappes peluchées, garnies d’or, avecques tout l’attirail de la meilleure beuverie. Flaccons de vin, hanaps altérez, bouteilles d’hypocras, grez pleins de bon vin de Chyppre, drageoires combles d’espices, paons rostis, saulces vertes, petits iambonneaux salez, auroyent resiouy la veue du guallant, s’il n’avoyt pas tant aimé madame Impéria. Elle vit bien que les yeulx de son petit prebstre estoyent tout à elle. Quoique coustumière des parpaillotes dévotions des gens d’ecclise, elle feut bien contente, pour ce qu’elle s’estoyt affolée nuictamment du paouvre petit qui, toute la iournée, luy avoyt trotté dans le cueur. Les vitres avoyent esté closes. Madame estoyt bien dispose