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employé pour vous. Nous avons là de la sécurité pour un an. En un an, vous pouvez maintenant vous acquitter et voir une bonne somme à vous, si vous allez toujours de ce train-là.

En voyant le succès de sa ruse, Wenceslas fit des contes à la vieille fille sur le duc d’Hérouville.

— Je veux vous faire habiller tout en noir, à la mode, et renouveler votre linge, car vous devez vous présenter bien mis chez vos protecteurs, répondit Bette. Et puis, il vous faudra maintenant un appartement plus grand et plus convenable que votre horrible mansarde, et le bien meubler. Comme vous voilà gai ! Vous n’êtes plus le même, ajouta-t-elle en examinant Wenceslas.

— Mais on a dit que mon groupe était un chef-d’œuvre.

— Eh bien ! tant mieux ! Faites-en d’autres, répliqua cette sèche fille toute positive et incapable de comprendre la joie du triomphe ou la beauté dans les arts. Ne vous occupez plus de ce qui est vendu, fabriquez quelque autre chose à vendre. Vous avez dépensé deux cents francs d’argent, sans compter votre travail et votre temps, à ce diable de Samson. Votre pendule vous coûtera plus de deux mille francs à faire exécuter. Tenez, si vous m’en croyez, vous devriez achever ces deux petits garçons couronnant la petite fille avec des bluets, ça séduira les Parisiens ! Moi, je vais passer chez monsieur Graff, le tailleur, avant d’aller chez monsieur Crevel… Remontez chez vous, et laissez-moi m’habiller.

Le lendemain, le baron, devenu fou de madame Marneffe, alla voir la cousine Bette, assez stupéfaite en ouvrant la porte de le trouver devant elle, car il n’était jamais venu lui faire une visite. Aussi se dit-elle en elle-même :  — Hortense aurait-elle envie de mon amoureux ?… car la veille, elle avait appris, chez monsieur Crevel, la rupture du mariage avec le conseiller à la cour royale.

— Comment, mon cousin, vous ici ? Vous me venez voir pour la première fois de votre vie, assurément ce n’est pas pour mes beaux yeux ?

— Beaux ! c’est vrai, reprit le baron, tu as les plus beaux yeux que j’aie vus…

— Pourquoi venez-vous ? Tenez, me voilà honteuse de vous recevoir dans un pareil taudis.

La première des deux pièces dont se composait l’appartement de la cousine Bette, lui servait à la fois de salon, de salle à manger, de cuisine et d’atelier. Les meubles étaient ceux des ménages d’ou-