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contre des adorateurs paysans, une fille de l’école des Jenny Cadine et des Josépha ; mais bonne camarade et ne redoutant aucun pouvoir humain, à force de les voir tous faibles, et habituée qu’elle était à lutter avec les sergents de ville au bal peu champêtre de Mabille et au carnaval. — Si elle a fait donner ma place à son protégé Garangeot, elle se croira d’autant plus obligée de me servir, se dit Pons. Schmucke put sortir sans qu’on fît attention à lui, dans la confusion qui régnait dans la loge, et il revint avec la plus excessive rapidité, pour ne pas laisser trop longtemps Pons tout seul.

Monsieur Trognon arriva pour le testament, en même temps que Schmucke. Quoique Cibot fût à la mort, sa femme accompagna le notaire, l’introduisit dans la chambre à coucher, et se retira d’elle-même, en laissant ensemble Schmucke, monsieur Trognon et Pons, mais elle s’arma d’une petite glace à main d’un travail curieux, et prit position à la porte, qu’elle laissa entrebâillée. Elle pouvait ainsi non seulement entendre, mais voir tout ce qui se dirait et ce qui se passerait dans ce moment suprême pour elle.

— Monsieur, dit Pons, j’ai malheureusement toutes mes facultés, car je sens que je vais mourir ; et, par la volonté de Dieu, sans doute, aucune des souffrances de la mort ne m’est épargnée !… Voici monsieur Schmucke…

Le notaire salua Schmucke.

— C’est le seul ami que j’aie sur la terre, dit Pons, et je veux l’instituer mon légataire universel ; dites-moi quelle forme doit avoir mon testament, pour que mon ami, qui est Allemand, qui ne sait rien de nos lois, puisse recueillir ma succession sans aucune contestation.

— On peut toujours tout contester, monsieur, dit le notaire, c’est l’inconvénient de la justice humaine. Mais en matière de testament, il en est d’inattaquables…

— Lequel ? demanda Pons.

— Un testament fait par-devant notaire, en présence de témoins qui certifient que le testateur jouit de toutes ses facultés, et si le testateur n’a ni femme, ni enfants, ni père, ni frère…

— Je n’ai rien de tout cela, toutes mes affections sont réunies sur la tête de mon cher ami Schmucke, que voici…

Schmucke pleurait.